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Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour :
01.10.2025
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Rubrique "La conscience et la pensée". Suite du billet N°1768.
Extrait de "Philosophie pour tous", A. Mendiri, Connaissances et Savoirs.
Prochain billet demain samedi 27 août.
L’âme et l’esprit sont deux notions relativement communes mais dont peu d’utilisateurs maîtrisent vraiment le sens. Pour l’opinion commune, l’âme est cette entité mystérieuse, sans doute pour la plupart immatérielle, qui est censée survivre à la mort de l’être humain. L’esprit renvoie banalement à cette réalité qui recouvre toutes les caractéristiques de la vie intérieure, que ce soit la pensée, la raison, l’imagination et qui constituerait la spécificité de l’homme parmi les espèces animales.
D’ailleurs, l’esprit ainsi compris conduit à des expressions comme la « vie spirituelle », celle-ci étant la manifestation d’un intérêt du sujet concerné à propos de toutes les questions qui se posent à l’homme sur le sens de la vie, sur l’attachement et la défense de certaines valeurs, sur l’intérêt porté à toutes les questions culturelles en général et qui, à ce titre, n’a pas une signification religieuse, les questions d’ordre spirituel pouvant concerner la totalité des êtres humains, toutes croyances confondues.
Cet usage est à près tout légitime même si la banalité de leur emploi tend à oublier le sens initial et précis de ces termes et si leurs utilisateurs méconnaissent parfois pour ne pas dire le plus souvent tous les problèmes métaphysiques que ces termes impliquent.
Il est vrai que le discours des clercs au sein du christianisme n’est pas très clair concernant la notion d’âme. Car lorsqu’un homme meurt, il est réputé survivre ici et maintenant, son âme étant introduite de manière mystérieuse dans un lieu et un temps intermédiaires avant qu’à la « fin des temps » survienne la Résurrection de la chair à l’issue d’un « Jugement dernier ». Cette conception semble relever d’une philosophie platonicienne ou augustinienne séparant radicalement le corps et l’âme, en en faisant deux substances de nature différente. La mort était même parfois définie comme la conséquence du fait que l’âme quittait le corps. Ce qui pouvait amener cette plaisante et naïve question d’un enfant dans le cadre du catéchisme : si c’est le cas, et puisque les animaux n’ont pas d’âme, comment ces derniers font-ils pour mourir ?
Mais trêve de plaisanterie. Une chose est certaine : la doctrine officielle des églises chrétiennes est pour le moins embarrassée, peu claire à vrai dire en désaccord avec la théologie officielle de l’Eglise catholique qui se rattache à la pensée de St Thomas d’Aquin (XIII° siècle), philosophe et théologien qui a transcrit le message biblique dans les termes et le langage de la philosophie grecque. Cet effort nécessaire d’acculturation, c’est-à-dire de traduction d’un univers culturel dans un autre, s’est tout naturellement appuyé sur la doctrine d’Aristote, qui, contrairement au jeune Platon tout au moins, refusait la distinction entre le corps et l’âme, ou d’une manière plus générale entre la matière et la forme. En termes plus clairs, Aristote considérait que toute réalité enfermait de l’information (dirait-on aujourd’hui) et que la matière pure, dépourvue d’information, d’organisation, de structure était une pure abstraction. Toute réalité possède une forme, autrement dit une organisation ou ce que ce disciple dissident de Platon appelait une âme, principe de mouvement et d’organisation. L’âme séparée de la matière était également une pure abstraction, car elle se voyait dépouillée de toute substance. Elle devenait une réalité immatérielle, ce qui est à vrai dire impensable. Une telle conception éliminait du coup tous les problèmes inextricables liés aux relations que peuvent bien entretenir deux substances ontologiquement de nature différente, l’une étant d’origine matérielle, l’autre d’origine immatérielle. Ce type de problèmes a donné beaucoup de tourments aux penseurs dualistes comme ce sera le cas pour Descartes (XVII° siècle) notamment.
L’intérêt de ce choix d’Aristote afin d’opérer cette œuvre d’acculturation n’est en rien un choix subjectif de la part de St Thomas d’Aquin. Car cette conception aristotélicienne s’accordait parfaitement avec la pensée biblique en la matière. Comme nous l’avons déjà rappelé, les Juifs ne distinguaient pas le corps et l’âme. Corps et âme renvoyait à la « chair », autrement dit à l’unité indissociable du corps et de l’âme. Ce n’est donc pas un hasard, que les juifs d’abord, vers le II° siècle av. JC, le christianisme par la suite , introduisent l’idée de la « Résurrection de la chair » à la fin des temps, et non la résurrection de l’âme.
Que signifie exactement cette notion de « Résurrection de la chair » ? Notons tout d’abord que cette notion ne doit pas être confondue avec celle de Réincarnation défendue pa les religions de l’Inde, que ce soit ce que les occidentaux ont appelé l’hindouisme ou bien plus tard le bouddhisme. Car la Réincarnation peut se définir comme le fait pour une âme d’habiter un autre corps. Curieusement, ces conceptions de l’impermanence de toutes choses conservent par le biais de la doctrine de la Réincarnation l’idée d’une permanence relative d’une âme pouvant se manifester par l’intermédiaire de plusieurs corps successifs. De plus, la notion de Réincarnation se trouve en harmonie avec leur conception du temps, à savoir un temps cyclique, un temps à l’image des saisons naturelles, où, à vrai dire « il n’y a rien de vraiment nouveau sous le Soleil ».
La notion de « Résurrection de la chair » s’inscrit au contraire dans le cadre d’un temps linéaire, d’un temps s’écoulant à l’image d’une flèche allant du passé vers l’avenir sans jamais pouvoir revenir à son point de départ. Il semble que les juifs et donc les auteurs des textes bibliques soient les premiers à avoir conçu le temps de cette manière. D’ailleurs, les textes évangéliques, quel que soit le crédit qu’on leur accorde, précisent de manière harmonieuse cette conception des prophètes juifs de l’Ancien Testament.
En effet, Jésus de Nazareth est réputé avoir ressuscité, cette Résurrection étant le témoignage qu’il n’était pas seulement homme mais Dieu, qu’il était le Christ et pas seulement Jésus de Nazareth et d’autre part le Christ ressuscité pouvait s’interpréter comme une anticipation du destin auquel chaque homme était appelé à la fin des temps, lors de la Résurrection de la chair.
Or, ce Christ ressuscité n’est en rien le retour à la vie du cadavre qu’il était devenu. Il ne s’agit pas d’un furtif retour en arrière. C’est une autre réalité qui dépasse dans la conservation celle qui précédait la mort. Cette réalité possède des lois nouvelles, inconnues de notre monde. Elle n’est pas reconnue d’emblée par ceux qui ont connu Jésus de Nazareth, mais seulement par des signes qui réveillent la perception des intéressés. Cette réalité apparaît et disparaît sans être prisonnière des lois de l’espace –temps ordinaire, celui qui fait le quotidien de nos vies. Et surtout, cette réalité n’est en rien une âme éthérée. C’est un corps mais un corps nouveau, un « corps spirituel » dira plus tard St Paul.
Autrement dit, la Résurrection de la chair s’inscrit dans le cadre d’une création qui, conformément à l’idée de temps linéaire, apporte sans cesse du nouveau, poursuit une direction et une direction où l’intérêt de tout homme est directement impliqué. Le temps linéaire est le substrat en quelque sorte de l’idée de sens ou de « Logos », considéré dans toutes les acceptions de ce terme. A l’horizon de l’histoire, c’est en quelque sorte une nouvelle création qui se profile.
Dès lors, nous comprenons mieux le rôle et le sens de l’opposition de la « chair » et de l’ « Esprit ». La « chair » renvoie à notre condition actuelle de finitude. A cette finitude est promise un nouveau destin dès lors que cette chair accorde crédit librement et gratuitement (car il n’y a aucune preuve et cette adhésion est un pur acte de foi) à la promesse de cette présence intérieure du sens et qu’on appelle Dieu. C’est ce refus de replier la « chair » sur sa seule finitude qui est la marque de l’Esprit. A ce titre, on comprend mieux pourquoi St Paul a pu évoquer la notion de « corps spirituel » en évoquant le Christ ressuscité.
Quant à la survivance « intermédiaire » d’un être en attendant la fin des temps, soit on s’en remet à un mystère pour le moins peu clair ; soit on considère que notre conception du temps n’est qu’humaine et que notre incompréhension est liée à ce type de limites ; soit on tente, comme nous le faisons très modestement, de trouver des voies rationnelles nouvelles rendant compte de cet état « intermédiaire » éventuel.
A. Mendiri