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· 1 COURS DE PHILOSOPHIE: LA PHILOSOPHIE SPONTANEE.
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Dernière mise à jour :
17.11.2025
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Rubrique "La philosophie au fil des textes".
Prochain billet demain dimanche 27 octobre (Lecture philosophique de la Bible).
Voici le texte de Russell, tiré de « Problèmes de philosophie » sur lequel porteront nos réflexions du jour :
« La philosophie comprend de nombreuses questions (dont certaines sont du plus profond intérêt pour notre vie spirituelle), qui, pour autant qu’on puisse le prévoir, doivent demeurer insolubles, à moins que les facultés de l’esprit humain ne deviennent tout autre que ce qu’elles sont à présent. L’univers comporte-t-il une unité de plan et de but, ou bien n’est-ce qu’une rencontre fortuite d’atomes ? (…) Le bien et le mal ont-ils de l’importance pour l’univers, ou seulement pour l’homme ? De telles questions sont posées par la philosophie et résolues de façons différentes par des philosophes différents. Or, que des réponses soient possibles ou non, celles que propose la philosophie ne sont jamais d’une vérité démontrable. Pourtant, si faible que soit l’espoir de découvrir une réponse valable, l’examen persévérant de telles questions fait partie des tâches dévolues à la philosophie ; celle-ci nous fait prendre conscience de l’importance de tels problèmes ; elle examine toutes les façons de les traiter et elle aide à garder intact cet intérêt spéculatif pour l’univers qui est en danger d’être anéanti si nous nous bornons à la recherche d’un savoir à la certitude bien établie. »
La philosophie soulève de nombreuses questions dont « certaines sont du plus profond intérêt pour notre vie spirituelle ». Rappelons que la philosophie signifie étymologiquement « amour ou quête de la sagesse ». La sagesse est une forme de savoir qu’il convient de ne pas confondre avec ce que l’époque contemporaine considère comme tel, en l’occurrence le savoir mathématique ou celui des sciences dures, autrement dit le savoir qui peut se démontrer ou qui est susceptible de faire l’objet de vérifications expérimentales. Ce type de savoir entraîne la convergence obligée des esprits.
Le savoir philosophique n’est pas de même nature. Il soulève des questions que le savoir dit objectif (mathématiques, sciences de la nature, voire sciences de l’homme) ne peut aborder, non par désintérêt mais pour des raisons méthodologiques. Le savoir objectif ne peut traiter que des questions susceptibles de faire l’objet d’expérimentations et de mesures. Il aborde l’Etre, la réalité en général, ce qui est vraiment au-delà des apparences, que d’un point de vue quantitatif et fonctionnel. Il s’agit de savoir comment le monde fonctionne, comment les phénomènes naturels se succèdent et en fonction de quelles causes.
A ce titre, affirmer comme les positivistes que seules les questions pouvant faire l’objet d’une vérification expérimentale ont un sens, confine, selon nous, à l’absurde. Car cela revient à exclure des questions ayant un sens les questions morales, politiques, métaphysiques, religieuses, esthétiques, autrement dit ce qui fait la trame des existences humaines.
Mais il y a plus. Le savoir objectif soulève des questions que la science ne saurait résoudre par ses méthodes propres. C’est ainsi que l’homme ignore quel est le fondement des mathématiques, autrement dit ce qui justifie ou explique en dernier ressort la légitimité et la fécondité des axiomes ou des principes premiers à partir desquels le mathématicien déduit toutes les propositions qui en découlent. Le mathématicien ignore d’autre part si les propositions mathématiques ont un sens en-dehors de l’humanité ou bien si elles ne sont que le reflet des structures de notre cerveau, résultat de millions d’années d’évolution aléatoires et contingentes, et de la pensée que ce cerveau permet de mettre en œuvre.
De même, le physicien notamment ignore quelle est la véritable portée des théories ou des explications qu’il propose des phénomènes naturels et ce pour les mêmes raisons que concernant les fondements des mathématiques. Quelle est la véritable portée des capacités de la raison humaine ? Nul ne le sait. De plus, les théoriciens des sciences de la nature ont conscience que les vérités expérimentales qu’ils établissent s’avèrent par nature provisoires et qu’elles sont davantage le reflet des capacités du moment d’observer et d’expérimenter les phénomènes naturels, cette observation et cette expérimentation s’effectuant grâce au savoir établi et limité du moment, tant théorique que pratique, autrement dit instrumental.
Dès lors, la philosophie peut légitimement revendiquer sa prétention à s’interroger sur l’ensemble des domaines de la culture, y compris le savoir objectif. Mais à vrai dire le philosophe ne prétend pas détenir un savoir incontestable, et la philosophie s’interroge également sur ses possibilités et ses limites, c'est-à-dire en fin de compte sur les possibilités et les limites de la pensée humaine. C’est en ce sens que le philosophe ne se présente pas comme un sage, comme possédant un savoir mais comme étant amoureux du savoir, en quête de ce savoir. Qu’il soit amoureux du savoir signifie que cette quête n’est pas seulement une démarche purement intellectuelle, froide, logique, rationnelle, mais qu’elle exprime une grande passion, un intérêt existentiel profond.
Cependant, si cette recherche se présente comme « quête » d’une forme de savoir, c’est dans la mesure où elle confie à la seule raison le soin de poser et de tenter de résoudre les questions qu’elle soulève. En ce sens, elle se distingue des religions, en particulier les religions dites révélées dont l’autorité des réponses vient d’une expérience intérieure certes mais alimentée par une présence divine censée dévoiler de manière humaine un sens, un « Logos » de nature divine et qui a donc pour source ultime Dieu lui-même.
Le philosophe ne prétend pas pour autant que la raison seule peut apporter des réponses. Comme nous l’avons rappelé, il se pose la question des capacités réelles de la raison et ce en usant de la raison. Cela le conduit à s’interroger sur le phénomène religieux, sur sa légitimité éventuelle ou sur son caractère illusoire, sur les fondements et le crédit à accorder à la notion de « Révélation ». Le philosophe ne s’interdit donc pas d’être éventuellement un homme religieux, mais sa démarche n’est pas uniquement fondée sur la confiance qu’il fait à une tradition, à une éventuelle expérience spirituelle personnelle, mais également à l’examen critique de la raison. Mieux, le crédit accordé aux sources d’une religion dépend des conclusions de cet examen critique. Dans ce cas de figure, la raison peut être subordonnée à la foi, non a priori et avant tout examen critique, mais a posteriori, dès lors que son examen critique en viendrait à conclure, à tort ou à raison, que la raison est limitée et que l’accès à la vérité et au sens se voit tributaire d’une source se situant au-delà de la raison. En ce sens, la raison subordonnée à la foi, conserve comme fonction l’exigence d’éclairer et de justifier la démarche de la foi.
Ainsi, que ce soit vis-à-vis de la science ou de la religion, autrement dit vis-à-vis des deux domaines de la culture qui prétendent chacun pour leur part et au sujet d’enjeux différents détenir un mode de vérité, la philosophie se doit d’exercer sa critique vigilante, non en vue de délivrer des vérités mais d’éviter à l’homme de tomber dans la crédulité, d’être victime de lieux communs marqués par la naïveté et l’ignorance. De ce point de vue, la philosophie est la garante de la vie de l’esprit, de sa liberté authentique, de son attachement à la vérité.
A. Mendiri