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5131 LE LANGAGE DEROUTANT DES RELIGIONS

Publié le 14/11/2025 à 06:14 par cafenetphilosophie Tags : image sur monde chez mode mort dieu art nature message pouvoir demain

Rubrique "Les langages impossibles". Suite du billet N°5124.

 

Extrait de Philosophie pour tous, Tome VI, A.MENDIRI, Amazon

 

Prochain billet demain samedi 15 novembre

 

 

 

Quel que soit le domaine de la culture, le langage qui les exprime est marqué par des limites. Ces limites ne sont pas simplement relatives à la structure des langages en question et à leur mode de fonctionnement. Car tout langage traduit des pensées. Et les pensées des modes de représentation et de compréhension des domaines concernés. Dès lors, évoquer les limites d’un langage revient à souligner les limites de représentation et de compréhension de son objet. Cela vaut bien entendu, comme nous l’avons analysé, pour le langage de la science mais également pour celui des témoins d’expériences de mort imminente ou plus généralement des états modifiés de conscience. Si nous donnons pour objectif à un langage quelconque de traduire de la manière la plus adéquate possible les réalités qu’il évoque telles qu’elles sont, alors le langage de la science et des « expérienceurs » des états modifiés de conscience semblent des langages impossibles.

Hegel soutenait que l’indicible ou l’ineffable n’étaient en vérité que de l’impensé. Une utilisation rigoureuse du langage devait pouvoir atteindre son objectif d’exprimer clairement et de manière rigoureuse son objet. Doit-on en conclure que le langage de la physique contemporaine ou le mode d’expression limité et à vrai dire inadéquat des « expérienceurs » démentent les conceptions du célèbre philosophe, tenant d’un rationalisme absolu ?

A vrai dire, ce n’est pas si simple. Car l’efficacité théorique et pratique de la physique contemporaine souligne si besoin était que ce langage établit bien un lien avec la réalité dont il parle. Si on ne pouvait rien dire de cette réalité, si elle était indicible à sa manière, l’efficacité de nos théories scientifiques s’avérerait incompréhensible. Einstein s’étonnait d’ailleurs de cette efficacité. « Ce qui est incompréhensible, disait-il, c’est que le monde soit compréhensible ». Pourtant la métaphore proposée par Bertrand Russell et reprise par Bernard d’Espagnat semble parfaitement rendre compte de cette efficacité. Nous sommes dans la même position face au réel qu’un martien hypothétique découvrant un disque où un concert est enregistré. Le martien en question, en analysant la structure de ce disque découvrira quelque chose de ce concert sans pour autant être en capacité de se représenter la salle de concert, l’orchestre et ses instruments. Mais il sera en possession d’une structure qui constituera un mode de filiation avec le concert.

Telle est la position du physicien de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit face au réel. Dès lors, la réalité est bien dicible par la médiation de nos théories, mais de manière humaine. Autrement dit, nous ne pouvons pas briser les limites de notre finitude qui nous offre une certaine perspective sur le monde. Mais cette perspective, humaine, trop humaine, comme le dit Nietzsche avec véhémence, traduit quelque chose de la vérité sur la réalité. La réalité n’est pas un mirage ou une illusion dans la mesure où derrière les infinies perspectives concevables au sein de l’Univers et interprétant la réalité qui se présente à ces perspectives, se trouve nécessairement une réalité une, car les myriades de perspectives établissent une relation avec un même Être, un et indissociable.

Certes, cette réalité une se situant par-delà les myriades d’interprétations saisissant chacune à leur manière quelque chose d’elle ne doit peut -être pas être pensée comme étant une réalité divine ou absolue. Il est possible en un premier temps de faire cette concession à Nietzsche, encore que ce ne soit pas l’hypothèse ontologique la plus rationnelle. Car cette réalité une est la source de tout ce qui est, d’au moins tous les possibles qui ont été réalisés et dont nous sommes les témoins. Cette réalité une, enferme donc à titre de possibles, la conscience et l’intelligence dont nous sommes porteurs. Sans quoi, nous sombrerions dans la pensée magique consistant à supposer que quelque chose peut surgir de rien.

Dès lors, cette réalité une n’est pas étrangère à la conscience et l’intelligence humaines. Mais nous savons, depuis la théorie de la relativité, que l’Univers est un objet propre avec ses propriétés propres et non une simple collection et juxtaposition d’objets particuliers. De ce fait la réalité une dont nous parlons, avec des dimensions ou des limites sans commune mesure avec les nôtres, contient-elle à sa manière les caractéristiques humaines que nous évoquions. Sans compter que si cet Univers n’est qu’une composante d’un multivers infini, la réalité forcément une et unique de ce multivers renvoie à une réalité sans limite, à une réalité infinie.

Il devient dès lors tout à fait compréhensible qu’un être limité comme l’homme ne puisse saisir une réalité sans limite ou infinie. Il s’agit là de deux réalités de nature différente. Cependant, il existe ontologiquement une filiation entre les réalités finies et la réalité infinie puisque les premières ont pour source et fondement la seconde. La réalité finie que nous sommes ne peut donc entretenir une relation de filiation avec la réalité infinie que de manière analogique, si on entend par analogie une comparaison ou une ressemblance entre deux réalités très différentes. En somme, il y a entre réalité finie et infinie des points communs qui permettent un rapprochement sémantique, alors même que sur un plan ontologique elles demeurent irréductibles l’une à l’autre, relativement étrangères l’une à l’autre, mais pas absolument étrangères.

De telles considérations nous amènent à établir un rapprochement avec le langage des religions en général. Car les présupposés des religions rejoignent les analyses que nous venons de mener concernant les limites du langage scientifique ou des témoignages des « expérienceurs » des états modifiés de conscience. Le langage religieux veut exprimer à sa manière la conviction que l’Être, la réalité qui se situe au-delà des apparences, enferme un sens, un « Logos » diraient les Grecs du grand siècle. Ensuite, ce langage témoigne dans le même temps des capacités limitées de l’homme à se le dévoiler ou à le dire. Certes, l’homme se dévoile le sens, ce qui est une forme de savoir, mais il se le dévoile de manière humaine car la réalité dont il parle est de nature différente que celle du monde de la finitude à laquelle il appartient.

Dès lors, l’homme se situe entre l’ignorance et le savoir concernant le sens de l’Être. La conscience constitue cette dimension de son être lui permettant d’avoir le privilège parmi tous les êtres vivants sur cette planète, de s’interroger et de pouvoir se poser la question du sens. Mais dans le même temps, les limites de sa pensée et de sa capacité de compréhension le condamnent à élaborer un langage anthropomorphique, c’est-à-dire un langage qui exprime ce qui n’est pas l’homme, qui dépasse infiniment l’homme, sur le mode de l’homme.

L’anthropomorphisme est un reproche récurrent qui est fait aux religions. Mais ce reproche repose sur un postulat symétrique à celui de l’affirmation du sens, à savoir la proclamation de l’absurde et sur une ignorance souvent ignorée par les contempteurs de la religion, à savoir celle relative aux capacités limitées de l’humanité.

C’est dans la mesure où le langage religieux est nécessairement anthropomorphique qu’il se voit marqué par la culture, l’époque, la sensibilité au sein desquelles il se déploie. Certes, l’anthropomorphisme du langage religieux le condamne à être, par essence, un langage symbolique, si nous appelons symbole un signe, une image, voire même une idée ou un concept qui prétendent exprimer ici et maintenant le sens que la conscience se dévoile en disant ce que Dieu, l’absolu, le sens ne sont pas, plutôt qu’en explicitant ce qu’ils sont.

Le langage symbolique des religions ne peut se réduire à un langage rationnel et assis sur le seul bon sens. Car la double affirmation selon laquelle nos capacités intellectuelles sont limitées mais que nous pouvons néanmoins saisir ou nous dévoiler la présence du sens suppose de manière concomitante que l’expression de ce sens se situe au-delà des capacités de la raison et à plus forte raison du bon sens pratique, étranger par nature à ce type de questionnement, et qu’il relève d’une capacité inhérente à la conscience et qui ne passe ni par les raisonnements, ni par les mots et les pensées limitées que ces mots enferment, autrement dit par ce qui définit ce qu’on appelle ordinairement l’intuition.

Cependant, cette intuition, dont la source n’est pas la raison ou à tout le moins qui ne saurait se réduire à la raison, doit pouvoir s’exprimer, se dire. L’intuition doit s’appuyer sur un langage, c’est-à-dire sur des mots et donc des pensées qui ne proviennent pas de nulle part, d’une réalité hors sol, mais d’une culture donnée avec toutes les dimensions que comporte cette culture, ses valeurs, son type d’organisation sociale, ses formes d’art, ses savoirs théoriques et pratiques de toutes sortes.

Mais l’ensemble de ces moyens envisageables d’expression de l’intuition du sens ne se réduisent pas, par nature, à la dimension purement humaine et située dans le temps, de ces outils de communication. Car ceux-ci prétendent dire quelque chose qui n’est pas précisément de l’ordre de l’humain mais de l’ordre de ce qui dépasse par nature l’humain, autrement dit qui témoigne de ce qu’on appelle communément le divin ou le surnaturel, ce qui transcende l’ordre simplement naturel des choses.

Au vu de ces analyses, on comprend mieux la célèbre proclamation de Pascal lorsque celui-ci affirme : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ». Le « cœur » ne renvoie évidemment pas ici au domaine des affects humains mais au ressenti intuitif du sens qui est censé se dévoiler à toute conscience qui le cherche et qui prétend en expérimenter la présence.

Si nous accordons crédit à ces hypothèses métaphysiques, voire ontologiques, la démarche religieuse développe chez les sujets religieux, c’est-à-dire chez les sujets qui croient se relier intérieurement à un sens qui les habite et les dépasse, un mode de perception spécifique de la réalité qui se présente à eux. Rappelons en effet que contrairement à ce que nous sommes portés à croire spontanément, la perception n’est pas neutre. Il ne suffit pas de regarder pour voir ni d’écouter pour entendre.

C’en est ainsi pour chaque mode de perception spécifique. Le biologiste qui observe une coupe de cellule sous le microscope percevra ce que le profane ne percevra pas. De même concernant la perception esthétique : l’amateur de peinture découvrira sur la toile ce que le rustre en art ne verra pas. La perception habituelle ou pratique de notre monde environnant obéit également à des règles de sélection de l’information captée selon nos intérêts, nos attentes, nos compétences, nos préjugés. C’est en ce sens qu’il existe, au même titre que les précédentes, une perception religieuse spécifique et singulière.

Certes, cette dernière peut être qualifiée d’illusoire. Mais cette accusation reste d’ordre idéologique. Elle présuppose la négation du sens et ce a priori. Le sujet croyant est habité par un autre présupposé et surtout par un autre vécu. Il est vrai qu’il lui est difficile de communiquer ce vécu. Les mots lui manquent. Lorsqu’il s’y risque, il emprunte généralement dans le langage utilisé par sa communauté de croyants. Et ce langage devient incompréhensible et déroutant pour ceux qui l’entendent et qui n’associent pas aux mots en question la présence et l’expérience vécues d’un sens et qui les réduisent à leur traduction littérale et platement humaine. Le langage religieux, par nature, eu égard son objet, qui n’est pas de l’ordre de l’humain, se présente non comme un facilitateur mais comme un obstacle à la transmission de son message. Tel est son paradoxe. Telle est la source des incompréhensions et des rejets qu’il est susceptible de provoquer.