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08.10.2025
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Cours de philosophie. Suite du billet n°489
Toutes les sociétés humaines sont organisées grâce à des lois. L’ensemble de ces lois constitue le droit, que celui-ci soit coutumier ou écrit. Comme nous le constatons usuellement, certaines de ces lois peuvent être critiquées par des membres de la société concernée. Au nom de quels principes peuvent-elles l’être ? Plusieurs hypothèses sont envisageables : cela peut être au nom de la défense d’intérêts particuliers ou égoïstes ; ou encore au nom d’une certaine idée de la justice. Mais de quelle conception de la justice s’agit-il ? Est-ce une conception relative à une minorité, un groupe social donné, à des valeurs propres à une culture ou une époque ou bien des valeurs universellement présentes dans le cœur de tout homme et ce de tout temps ? En somme, existe-t-il une conscience morale naturelle, commune à tous les hommes et permettant de faire le départ de manière spontanée, même si ce n’est pas nécessairement de manière analysée et réfléchie, entre ce qui est juste et ce qui est injuste ?
Si on retient l’idée d’une conscience humaine universelle permettant d’opérer d’emblée une telle distinction entre ce qui est juste et ce qui est injuste, il sera possible de parler, comme l’ont fait la plupart des penseurs de la philosophie des Lumières, « de droit naturel ». Ce dernier n’est pas un droit précis, inscrit dans des codes et dont on pourrait énoncer le contenu détaillé. C’est davantage un sentiment moral, supposé commun à tous les hommes, attaché à leur nature et permettant de juger si les lois effectives de la société, ce qu’on désigne par « le droit positif », c’est-à-dire le droit existant, est conforme ou non à ce droit naturel, autrement dit aux exigences morales qui fondent la dignité humaine et qui sont attachées à son essence d’homme.
Dès lors, le droit naturel renvoie à ce qui est légitime, c’est-à-dire à ce qui devrait être au niveau du droit existant ou positif afin d’être conforme à la dignité humaine alors que le droit positif renvoie à ce qui est légal à un moment donné et qui à ce titre s’impose à tous les membres de la société, sous peine de sanctions en cas de désobéissance. Le droit positif est alors jugé, selon les cas, conforme ou non au droit naturel. C’est ainsi qu’Antigone organise des funérailles pour son frère Polynice, bravant ainsi la décision du roi Créon. Elle le fait au nom d’une légitimité morale, violant ouvertement la légalité telle que l’avait décidée Créon. C’est au nom de la légitimité que le général de Gaulle lance le 18 juin 1940, depuis Londres, son fameux appel à la Résistance alors que les autorités légales incarnées par le maréchal Pétain, avaient signé la veille un armistice avec l’Allemagne.
Le droit naturel est donc par essence de l’ordre de la légitimité. En revanche, la réciproque n’est pas vraie. La légitimité peut avoir d’autres sources que celle reposant sur l’idée de droit naturel. Avant d’examiner quelques- unes de ces sources possibles de la légitimité, voyons quels sont les arguments militant éventuellement en faveur de l’idée de droit naturel. Dans cet extrait de « Droit naturel et Histoire », le philosophe américain Léo Strauss (XX° siècle) les expose avec clarté :
« Néanmoins, le besoin du droit naturel est aussi manifeste aujourd’hui qu’il l’a été durant des siècles et même des millénaires. Rejeter le droit naturel revient à dire que tout droit est positif, autrement dit que le droit est déterminé exclusivement par les législateurs et les tribunaux des différents pays. Or il est évident qu’il est parfaitement sensé et parfois même nécessaire de parler de lois ou de décisions injustes. En passant de tels jugements, nous impliquons qu’il y a un étalon du juste et de l’injuste qui est indépendant du droit positif et lui est supérieur : un étalon grâce auquel nous sommes capables de juger le droit positif. Bien des gens aujourd’hui considèrent que l’étalon en question n’est tout au plus que l’idéal adopté par notre société ou notre « civilisation » tel qu’il a pris corps dans ses façons de vivre ou ses institutions. Mais, d’après cette même opinion, toutes les sociétés ont leur idéal, les sociétés cannibales pas moins que les sociétés policées. Si les principes tirent une justification suffisante du fait qu’ils sont reçus dans une société, les principes du cannibale sont aussi défendables et aussi sains que ceux de l’homme policé. De ce point de vue, les premiers ne peuvent être rejetés comme mauvais purement et simplement. Et puisque tout le monde est d’accord pour reconnaître que l’idéal de notre société est changeant, seule une triste et morne habitude nous empêcherait d’accepter en toute tranquillité une évolution vers l’état cannibale. S’il n’y avait pas d’étalon plus élevé que l’idéal de notre société, nous sommes parfaitement incapables de prendre devant lui le recul nécessaire au jugement critique. Mais le simple fait que nous puissions nous demander ce que vaut l’idéal de notre société montre qu’il y a dans l’homme quelque chose qui n’est point totalement asservi à sa société et par conséquent que nous sommes capables, et par là obligés, de rechercher un étalon qui nous permette de juger de l’idéal de notre société comme de toute autre ».
Le raisonnement de Léo Strauss est donc le suivant : les critiques que nous pouvons adresser aux lois de notre pays témoignent qu’il existe un système de valeurs indépendant du droit positif ; si ce dernier n’est que le reflet de notre civilisation ou de notre époque, nous tombons dans le relativisme pur et simple. Tous les systèmes de valeurs sont équivalents dans l’absolu. Pourtant, nous ne sommes pas prisonniers de notre système de valeurs. Car non seulement nous pouvons comparer et juger les valeurs des différentes civilisations mais nous pouvons également critiquer les nôtres et prendre conscience de leurs limites éventuelles. Il en conclut que nous le faisons au nom d’un idéal supérieur et qui transcende tous les systèmes de valeurs, cet idéal correspondant au droit naturel. Néanmoins, cette analyse n’est pas décisive : la critique de notre système de valeurs se fait peut- être au nom d’un nouveau système de valeurs en train de naître et témoignant d’évolutions historiques et sociales. Il n’en reste pas moins vrai que l’affirmation du droit naturel est le seul moyen d’échapper au relativisme.
A. Mendiri
¨Prochain billet consacré à l'affaire Armstrong, vendredi 18 janvier 2013."