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Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour :
11.12.2025
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Rubrique "Philosophie par les textes". Suite du billet N°5106.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome IV, A.MENDIRI, Amazon.
Prochain billet demain mardi 28 octobre
Les extraits de textes sur l’art que nous avons proposés lors du dernier billet nous livrent quelques idées essentielles à propos de la nature et de la fonction de l’activité artistique. Nous voudrions nous arrêter quelque peu sur les développements contenus dans ces brefs extraits.
L’activité artistique soulève maintes interrogations de nature anthropologique, politique et même métaphysique. Sur le plan anthropologique (l’anthropologie étant l’ensemble des sciences et des réflexions philosophiques s’interrogeant sur la nature exacte de l’homme), il convient de rappeler que seul l’homo sapiens sapiens, c’est-à-dire notre espèce, pratique ce type d’activité. En effet, l’incertitude demeure concernant l’homme de Neandertal puisque nous n’avons pas à ce jour retrouvé d’œuvres d’art produites par lui, même si celui-ci n’est pas dépourvu de sensibilité esthétique, comme en témoignent notamment ses rites funéraires où figurent des éléments de décoration. Mais après tout ce n’est jamais que depuis 1940, lors de la découverte accidentelle de la grotte de Lascaux que nous savons que nos lointains ancêtres comptaient parmi eux des artistes de génie. Peut-être qu’un jour il en ira de même concernant l’homme de Neandertal.
Qu’est-ce qui nous amène à avancer une telle hypothèse ? Au-delà de nos différences physiques, nous possédons en commun avec l’homme de Neandertal la conscience. Or, il est vraisemblable que celle-ci représente le critère décisif nous séparant ou nous distinguant de l’animal. La conscience conduit les êtres qui s’en voient porteurs à s’interroger sur le monde, sur leurs destins individuels et à ne plus rester, de ce fait, enfermés dans les seules considérations vitales. Ce type d’interrogation est gratuit si nous qualifions de gratuites toutes les activités qui ne sont pas strictement nécessaires en vue de la survie ou en vue de l’adaptation au milieu. C’est incontestablement le cas de l’activité artistique. L’art nous élève à la dimension de la gratuité, inconnue de l’animal.
Mais qu’est-ce qui nous amène à opérer une distinction entre la sensibilité esthétique de l’homme de Neandertal qui se traduit par des soucis de décoration et de parure et la sensibilité artistique de l’homme de Lascaux ? Cette question nous conduit à nous interroger sur la nature exacte d’une œuvre d’art. Ou si l’on préfère à nous interroger sur les raisons qui nous amènent à ne pas reconnaître comme œuvre d’art des éléments de décoration ou de parure.
L’œuvre d’art est le reflet d’une âme, la matérialisation d’un univers intérieur, d’une interprétation du monde, d’une sensibilité singulière face à la réalité au sein de laquelle le créateur se voit inséré. En d’autres termes, l’œuvre d’art est la matérialisation d’un message ou d’une conception du monde. Il n’y aurait pas d’œuvre d’art dépourvue d’idées, même si certaines écoles, comme le Parnasse au XIX° siècle, sur le plan poétique, se sont donné comme objectifs la beauté de la forme sans aucun souci de contenu. Outre le fait qu’il est possible de s’interroger sur la réalisation effective de tels objectifs, on peut de surcroît affirmer avec JP Sartre que de telles œuvres témoignent à leur manière d’une forme d’engagement, à savoir celui de l’indifférence vis-à-vis des grandes causes politiques et métaphysiques de l’humanité.
Cette manière de réagir face au monde et de témoigner de son rapport personnel à ce monde par la médiation d’une œuvre sensible conduit à extérioriser et à exprimer sa singularité en échappant aux contraintes uniformisantes du langage social qui tend à gommer les différences et qui a pour fonction essentielle d’assurer les relations sociales et d’autoriser le partage des tâches sur un plan pratique. Le langage ordinaire est d’abord un instrument social et utilitaire.
L’œuvre d’art, en tant qu’elle communique un message ou du sens est également un langage. Mais ce langage est gratuit, est dépouillé de toute utilité vitale ou adaptative et la gratuité de sa réalisation transmet des interprétations, des émotions, des sensations éminemment singulières, toutes choses qui échappent largement au langage ordinaire, excepté dans le cadre de la littérature de qualité où l’auteur possède un talent et un temps suffisants pour pouvoir travailler sur les mots et communiquer cette singularité.
Certes, le créateur exprime non ce qu’il veut mais ce qu’il est en capacité de traduire à l’aide de son art. Mais il en va de même concernant toute forme de langage, y compris le langage social et utilitaire. De même, le contemplateur ne saisit-il pas la singularité de l’univers intérieur du créateur dans sa pureté. Cet univers intérieur demeure pour une large part hors de portée et du créateur au niveau de son expression et du contemplateur au niveau de la lecture qu’il est en capacité de faire de l’œuvre en question. Créateur et contemplateur possèdent chacun des limites tant techniques que culturelles afin de saisir la singularité de ce monde intérieur. D’ailleurs, le créateur, en-dehors des limites de son talent, connaît-il vraiment son propre monde intérieur, au même titre que n’importe lequel d’entre nous ?
Il n’en reste pas moins vrai qu’une œuvre d’art peut devenir un chef-d’œuvre, peut traverser le temps, si le créateur a su mettre en évidence en quoi sa manière singulière d’exprimer son âme témoignait de l’universalité de la condition humaine. Le contemplateur saisit au sein de cette manière singulière de s’exprimer la dimension universelle qui signe l’appartenance du créateur à l’humanité et à son rapport à ce qui est. En somme, il saisit ce qu’il y a d’universel dans cette singularité d’expression.
Toujours est-il que nous comprenons mieux en quoi un objet décoratif, un bibelot par exemple, n’est pas ordinairement considéré comme étant une œuvre d’art. Car ce bibelot ne prétend nullement transmettre un message, des idées, un sens précis. D’ailleurs, si nous prenons en considération des arts utiles comme l’architecture, nous nous rendons compte très vite que ce qui relève de l’art dans les monuments pris en compte, comme une cathédrale ou un château, c’est précisément tous les motifs architecturaux strictement non nécessaires à leur usage social ou utilitaire. Un portail de cathédrale comporte des motifs architecturaux qui veulent transmettre un sens biblique, qui constituent un message théologique et qui traduisent de surcroît un souci esthétique dans la mesure où la beauté est là un moyen privilégié afin de susciter l’intérêt, d’attirer le regard, d’élever l’âme ; toutes choses qui n’ont aucun rapport avec l’utilité fonctionnelle de l’édifice visant à rassembler des foules autour de rites ou de cérémonies à caractère religieux. C’est d’ailleurs le cas des Temples protestants qui s’en tiennent, dans leur dépouillement et leur sobriété architecturaux, à cette seule fonction utilitaire.
Comme nous venons de le rappeler, l’œuvre d’art entretient la plupart du temps un rapport avec le souci de la qualité de la forme ou si l’on préfère avec la beauté. Dans le cas de l’art engagé et donc de l’art religieux, la beauté est un moyen au service du message. Parfois, la beauté devient la finalité de l’œuvre, même si l’existence même de la beauté peut être considérée en elle-même comme un message, si on estime qu’elle renvoie au sens, au « Logos », à la présence sensible de la transcendance. Mais n’oublions pas que la beauté est un objectif contingent ou non-nécessaire de l’activité artistique. De nombreux aspects de l’art contemporain, de l’art qui se veut souvent éphémère, de l’art dont l’œuvre est décontextualisée (souvenons-nous de Magritte présentant une pipe, œuvre intitulée « ceci n’est pas une pipe » ou l’urinoir de Duchamp qui n’est pas un urinoir), de l’art destiné à choquer ou scandaliser (Le « Poubellisme » d’Arman) sont là pour en témoigner. Ces formes d’art témoignent que ce qui importe c’est l’expression d’une idée et non la qualité d’une forme, souci central pour un bibelot qui se veut objet de décoration.
Cependant ces rapides observations ne suffisent pas en vue de se représenter ce qu’est véritablement une œuvre d’art. Il nous faudra donc compléter ces analyses afin de mieux cerner son originalité et sa signification métaphysique.