Abonnement au blog
Recevez les actualités de mon blog gratuitement :

Je comprends qu’en m’abonnant, je choisis explicitement de recevoir la newsletter du blog "cafenetphilosophie" et que je peux facilement et à tout moment me désinscrire.


Articles les plus lus

· 10 LA NOTION D'INSTINCT CHEZ L'HOMME . COURS.
· 9 LE STATUT DE LA CONSCIENCE SELON NIETZSCHE. COURS.
· 13 CROYANCES, RITES ET FÊTES DU JUDAÏSME
· NATURE HUMAINE ET CONDITION HUMAINE.
· 1 LES FONDEMENTS D'UNE DEMOCRATIE

· 10 LA FONCTION DU MYTHE
· 531 L'ART POUR L'ART OU ART ENGAGE?
· 5 LE BOUDDHISME: COMPARAISON AVEC L'HINDOUISME
· 12 MOÏSE, FONDATEUR DU JUDAÏSME
· 1 COURS DE PHILOSOPHIE: LA PHILOSOPHIE SPONTANEE.
· 289. INCONSCIENT PSYCHIQUE ET CONNAISSANCE DE SOI.
· 286. LES MANIFESTATIONS DE L'INCONSCIENT PSYCHIQUE.
· 411 LES SOURCES DE LA CONNAISSANCE HUMAINE.
· 2 COURS DE PHILOSOPHIE: LE ROLE DE LA RAISON.
· 8 LE STATUT DE LA CONSCIENCE SELON KANT ET PASCAL. COURS.

Voir plus 

Rubriques

>> Toutes les rubriques <<
· 29 Cours: La nature de l'homme (15)
· 8 Les grandes religions (24)
· 36 Cours: L'Art. (14)
· 31Cours: L'inconscient. (6)
· 3 L'esprit démocratique (23)
· 2 Cours: Pourquoi la philosophie? (5)
· 7 Le phénomène religieux (16)
· 30 Cours: La morale. (11)
· 45 Extraits de textes philosophiques (15)
· 35 Cours: La politique. (22)

Rechercher
Thèmes

maison mer vie moi amour monde soi animal homme mort société histoire fille dieu nature livre demain créations

Statistiques

Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour : 20.09.2025
5101 articles


5932 MALEDICTION DU CORPS ET DE LA REINCARNATION

Publié le 06/08/2025 à 06:11 par cafenetphilosophie Tags : mer vie moi amour monde soi animal homme mort société histoire fille dieu nature livre demain

 

1 Rubrique "La question de l'âme". Suite du billet N°5925.

 

Extrait de Philosophie pour tous, Tome IV, A.MENDIRI, Amazon.

 

Prochain billet demain jeudi 07 août

 

Selon Claude Tresmontant

 

 

 

Si le problème que soulève cette notion semble aujourd'hui si confus, c'est qu'il est lié à une quantité de traditions et de doctrines qui se sont mêlées à travers l'histoire de la culture, depuis l'orphisme, le platonisme, le néo-platonisme, et les spéculations gnostiques. L'anthropologie cartésienne a pris le relais de l'anthropologie platonicienne. L'analyse aristotélicienne n'a guère été comprise pendant de longs siècles, sauf par les aristotéliciens chrétiens du XIIIe siècle. La pensée biblique et néo-testamentaire concernant la chair et l'esprit a été souvent mal interprétée.

 

On trouve, dans les Upanishad, l'idée d'une descente des âmes individuelles dans les corps. Cette descente est une individuation. En réalité, seul l'Un, l'Absolu, existe. L'existence individuelle est une illusion. Mais l'entrée dans cette illusion cosmique, c'est l'individuation, et c'est la descente dans les corps, l'ensomatose. Les âmes particulières résultent de l'individualisation de Brahman. En s'individualisant, en entrant dans les corps, les âmes entrent aussi dans le règne du souci, de la préoccupation. L'esprit, lorsqu'il entre dans un corps en naissant, se charge de maux. Lorsque au contraire il sort du corps, il se débarrasse des maux.

 

Le sage se délivrera de ce corps «  insubstantiel et puant » et il s'efforcera de se détacher des soucis et préoccupations qui concernent le corps. Il fera, en sens inverse, le chemin qu'a parcouru l'âme lorsqu'elle s'est individualisée : elle était passée du Tout au particulier; le sage s'efforcera de passer du particulier, de l'individuel, au Tout. Les âmes individuelles et particulières, lorsque les corps sont détruits, se retrouvent dans l'âme universelle. La sagesse, c'est de reconnaître que l'âme qui se croit, à tort, individuelle, est en fait l'âme universelle, le Brahman.Délivré des liens du corps, le sage reconnaît son essence divine et retourne à son origine. Il sait désormais que tous les êtres sont l'Un. La multiplicité est illusoire.  En se délivrant de l'illusion de l'existence individuelle, en se séparant, par l'ascèse, des liens du corps, on retourne à l'Absolu.

 

Ce même thème de la divinité originelle et ontologique de l'âme, de sa descente dans des corps, de son exil ici-bas, et de son retour à sa condition antérieure, par l'initiation et l'ascèse, se retrouve en Grèce, au VIe siècle avant notre ère, dans une nouvelle religion qui se manifesta par la fondation des communautés orphiques. Les poèmes qui contenaient la théologie des communautés orphiques étaient attribués au thrace Orphée.

 

L'homme actuel est composé de l'élément titanique (Les titans sont, selon le mythe, les meurtriers de Dionysos) et de l'élément divin, dionysiaque. Il doit se séparer, se libérer de l'élément titanique pour retourner pur auprès du dieu dont une parcelle vit en lui. L'homme doit se libérer des liens du corps, dans lequel l'âme est enfermée comme dans une prison. L'âme a un long chemin à parcourir pour se délivrer de cette incorporation. Elle n'a pas le droit de délier elle-même ses propres liens par la violence, par le suicide, et la mort naturelle n'est pas la libération définitive, car l'âme insuffisamment purifiée doit entrer de nouveau dans un corps.

 

La seule espérance de salut, la seule possibilité d'échapper finalement au triste cycle des réincarnations, c'est l'initiation orphique et l'ascèse. Il faut se délivrer de tout ce qui rattache l'âme, parcelle de la divinité, au corps dans lequel cette parcelle est exilée. En particulier, les adeptes de l'orphisme s'abstenaient de manger de la viande. Pour expier une faute commise dans une vie antérieure, l'âme a été bannie dans le corps. L'existence corporelle, physique, terrestre, est un châtiment. Le salut, c'est de se délivrer de cette vie corporelle elle-même. Lorsque l'âme, par l'initiation orphique et par l'ascèse, s'est purifiée de tout attachement au corps, elle est aussi affranchie de la nécessité d'entrer de nouveau, après la mort, dans un corps. Elle est délivrée de la nécessité de la réincarnation.

 

Pythagore, né entre 590 et 570 dans l'île de Samos, fonda un ordre religieux et soutint des idées comparables. Dans cet ordre, on enseignait aussi la doctrine de la transmigration des âmes. L'âme est dans le corps comme dans un tombeau. Cependant nous ne devons pas chercher à nous délivrer de l'existence corporelle par le suicide, car nous sommes le troupeau de Dieu. Il est notre berger et nous n'avons pas le droit de nous échapper sans son ordre. L'âme est astreinte à des réincarnations multiples, jusqu'à ce qu'elle parvienne à se dégager de cette nécessité. L'âme a été précipitée jadis des hauteurs où habitent les dieux. Elle a été enfermée pour son châtiment dans cette « geôle " qu'est le corps. L'âme est même parfois astreinte à s'incorporer dans un animal. Le salut réside dans l'initiation et l'ascèse par laquelle nous délivrons notre âme de cette souillure qu'est le corps. D'antiques légendes racontaient que Pythagore lui-même avait conservé le souvenir des précédentes incarnations de son âme.

 

Empédocle d'Agrigente, né en Sicile, (444) fut un homme politique, mais aussi un maître religieux. Empédocle se fit l'apôtre de cette nouvelle religion qui s'efforçait de délivrer l'homme du triste cycle lassant des réincarnations. Selon lui, ce sont des êtres puérils, ceux qui s'imaginent que peut naître ce qui n'existait pas, ou que quelque chose peut entièrement périr et être totalement détruit. L'Un, qui est l'Être, vit une vie rythmique : expansion et contraction, dispersion et retour à soi. La naissance apparente des êtres, c'est le moment de la division et de la dispersion. La mort, le moment du retour à l'Un, de la concentration. Le principe de la dispersion, c'est la haine. C'est lui qui est responsable de la multiplicité des êtres. Le principe du retour à l'Un, c'est l'amour. Il résorbe la multiplicité.

 

Tantôt l'Un grandit à partir du multiple jusqu'à demeurer seul, tantôt il se divise à nouveau et de l'Un surgit le multiple. L'âme humaine n'est pas créée. Elle ne commence pas réellement d'exister. Elle préexistait au sein de l'unité originelle. Le sage est celui qui sait qu'il est d'essence divine. Empédocle, comme les pythagoriciens, professe la réincarnation ou métensomatose : « Car moi, en effet, j'ai été déjà un garçon, une fille, une plante, un oiseau et un muet poisson qui bondit hors de la mer... » Lorsque l'homme mange une bête, il commet un crime abominable puisqu'il s'en prend à une âme réincarnée . La réincarnation, la transmigration des âmes, est la conséquence nécessaire du péché des âmes insuffisamment purifiées, le châtiment des crimes commis dans une existence antérieure.

 

Dans les pages célèbres duPhédon,  Socrate expose sa conception de la philosophie de la mort et des rapports entre l'âme et le corps : « Quiconque s'attache à la philosophie au sens droit du terme... son unique occupation, c'est de mourir, et d'être mort ! » Socrate poursuit par une définition de la mort : La mort « n'est rien autre chose...que la séparation de l'âme d'avec le corps » . En réalité,  lorsque l'âme s'en va et se sépare du corps, il ne reste pas un « corps », mais, ce qui est très différent, un cadavre, c'est-à-dire un tas de matière qui avait été informé et qui ne l'est plus, car il se décompose.

 

Les préoccupations du philosophe, poursuit Socrate, «  ne vont pas à ce qui concerne le corps,  mais au contraire, dans la mesure où il le peut, elles s'en détachent, et c'est vers l'âme,  qu'elles sont tournées ». Le philosophe se manifeste   « lorsqu'il délie le plus possible l'âme de la communauté avec le corps » Dans l'anthropologie qui s'exprime par ces textes, l'âme et le corps sont deux choses, deux réalités, ou deux substances bien distinctes.

 

Ensuite, Socrate expose ce qui se passe pour l'acte de connaissance. « Et maintenant, pour ce qui est de posséder proprement l'intelligence, le corps, dis-moi, est-il, oui ou non, une entrave, si dans la recherche on lui demande son concours ?... Est-ce que quelque vérité est fournie aux hommes par la vue aussi bien que par l'ouïe, ou bien, là-dessus au moins, en est-il comme les poètes nous le ressassent sans trêve, et n'entendons-nous, ne voyons-nous rien exactement? Pourtant si parmi les sensations corporelles celles-là sont sans exactitude et incertaines, on ne saurait attendre mieux des autres, qui toutes en effet sont, je pense, inférieures à celles-là... Quand donc, reprit Socrate, l'âme atteint-elle la vérité ? D'un côté, en effet, lorsque c'est avec l'aide du corps qu'elle entreprend d'envisager quelque question, alors, la chose est claire, il l'abuse radicalement... N'est-ce pas par conséquent dans l'acte de raisonner que l'âme, si jamais c'est le cas, voit à plein se manifester à elle la réalité d'un être?... Et sans doute raisonne-t-elle au mieux, précisément quand aucun trouble ne lui survient de nulle part, ni de l'ouïe, ni de la vue, ni d'une peine, ni non plus d'un plaisir, mais qu'au contraire elle s'est le plus possible isolée en elle-même, envoyant promener le corps, et quand, brisant autant qu'elle peut tout commerce, tout contact avec lui, elle aspire au réel ».C'est le corps «  qui trouble l'âme et l'empêche d'acquérir vérité et pensé ».

 

«  Inversement, si nous devons jamais savoir purement quelque chose, il nous faudra nous séparer de lui et regarder avec l'âme en elle-même les choses en elle-même... Pendant le temps que peut durer notre vie, c'est ainsi que nous serons, semble-t-il, le plus près de savoir, quand le plus possible nous n'aurons en rien avec le corps société ni commerce à moins de nécessité majeure, quand nous ne serons pas non plus contaminés par sa nature, mais que nous serons au contraire purs de son contact, et jusqu'au jour où le dieu aura lui-même dénoué nos liens ».

 

On le voit, une anthropologie qui pose que l' âme est une chose, et le corps une autre, une anthropologie qui de plus considère l'union du corps et de l'âme comme une souillure et une impureté, qui considère le corps comme la source de tous nos déboires, de toutes nos illusions et de toutes nos erreurs, une telle anthropologie, évidemment, aura tendance à considérer que la connaissance authentique ne peut s'atteindre qu'en se séparant de la connaissance sensible, et donc expérimentale. Une telle théorie de la connaissance aura tendance à privilégier les opérations intellectuelles purement spéculatives, aux dépens de la prise de connaissance sensible du monde extérieur.

L'âme est par nature d'essence divine, et immortelle. Mais il y a eu une chute de l'âme, une descente dans les corps matériels. Cette descente est une faute. Et si l'âme n'est pas suffisamment purifiée, elle est condamnée à se réincarner dans d'autres corps, conformément à ses options profondes, qui se sont manifestées au cours d'existences terrestres antérieures, et qui se manifestent dans le choix que l'âme fait de tel ou tel corps. « Ames éphémères, vous allez commencer une nouvelle carrière et renaître à la condition mortelle. Ce n'est pas un génie qui vous tirera au sort, c'est vous qui allez choisir votre destin... Chacun est responsable de son choix, la divinité est hors de cause » (Livre X de la République).

 

Au monde de l'intelligible, immuable et divin, s'oppose radicalement le monde du sensible, où tout change et se corrompt. L'âme est enchaînée dans le corps comme dans une prison. Par suite, tout l'effort du sage consiste à se délivrer du corps... Mais il y a un autre platonisme, celui des derniers écrits, du Timée et des Lois. Dans ces écrits, il n'y a plus opposition radicale du sensible à l'intelligible. Le monde concret est relié aux idées par l'intermédiaire de l'âme. «  Parlant dans le Timée de l'univers visible, il fait l'éloge du monde et déclare qu'il est un dieu bienheureux; l'âme est un don de la bonté du démiurge, destiné à mettre l'intelligence dans l'univers; car il faut qu'il ait l'intelligence; mais cela n'est pas possible s'il n'a pas une âme. » (Plotin)