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4821 "NOUS SOMMES CONDAMNES A LA LIBERTE"

Publié le 20/06/2024 à 06:09 par cafenetphilosophie Tags : sur vie moi monde chez nature cadre texte pouvoir coupable demain image center

Rubrique "Philosophie par les textes". Suite du billet N°4814.

 

Extrait de Philosophie pour tous, Tome IV, A.MENDIRI, Amazon.

 

Prochain billet demain vendredi 21 juin.

 

 

Rappelons le texte qui nous a conduits à mener une réflexion sur la liberté telle que l’entend la conception rationaliste classique :

 

« Me voilà tuberculeux par exemple. Ici apparaît la malédiction… Cette maladie, qui m’infecte, m’affaiblit, me change, limite brusquement mes possibilités et mes horizons. J’étais acteur ou sportif ; avec mes deux pneumos, je ne puis plus l’être. Ainsi négativement je suis déchargé de toute responsabilité touchant ces possibilités que le cours du monde vient de m’ôter. C’est ce que le langage populaire nomme être diminué. Et ce mot semble recouvrir une image correcte : j’étais un bouquet de possibilités, on ôte quelques fleurs, le bouquet reste dans le vase, diminué, réduit à quelques éléments.

 

Mais en réalité il n’en est rien : cette image est mécanique. La situation nouvelle quoique venue du dehors doit être vécue, c’est-à-dire assumée, dans un dépassement. Il est vrai de dire qu’on m’ôte ces possibilités mais il est aussi vrai de dire que j’y renonce ou que je m’y cramponne ou que je ne veux pas voir qu’elles me sont ôtées ou que je me soumets à un régime systématique pour les reconquérir. En un mot ces possibilités sont non pas supprimées mais remplacées par un choix d’attitudes possibles envers la disparition de ces possibilités.

Et d’autre part surgissent avec mon état nouveau des possibilités nouvelles : possibilités à l’égard de ma maladie (être un bon ou un mauvais malade), possibilités vis-à-vis de ma condition (gagner tout de même ma vie, etc..), un malade ne possède ni plus ni moins de possibilités, qu’un bien portant ; il a son éventail de possibles comme l’autre et il a à décider sur sa situation, c’est-à-dire à assumer sa condition de malade pour la dépasser (vers la guérison ou vers une vie humaine de malade avec de nouveaux horizons).

Autrement dit, la maladie est une condition à l’intérieur de laquelle l’homme est de nouveau libre et sans excuses. Il a à prendre la responsabilité de sa maladie. Sa maladie est une excuse pour ne pas réaliser ses possibilités de non-malade mais elle n’en est pas une pour ses possibilités de malade qui sont aussi nombreuses…

Ainsi suis-je sans repos : toujours transformé, miné, laminé, ruiné du dehors et toujours libre, toujours obligé de reprendre à mon compte, de prendre la responsabilité de ce dont je ne suis pas responsable. Totalement déterminé et totalement libre. Obligé d’assumer ce déterminisme pour poser au-delà les buts de ma liberté, de faire de ce déterminisme un engagement de plus ».

Lors du précédent billet, nous avons rappelé les grandes lignes de la conception rationaliste classique de la liberté. Etre libre consiste à faire ce que l’on veut profondément, c’est-à-dire son bien et la raison est la faculté humaine susceptible de nous éclairer sur notre bien. Nous nous étions à cet égard interrogés pour savoir si la raison disposait du pouvoir de mettre à exécution ses conclusions ou bien s’il était nécessaire que la force qui entraînait le sujet ne relevât pas du désir, en l’occurrence l’intelligence désirante. D’ailleurs, si le désir tient vraiment le premier rôle, rien n’assure que celui-ci ne se porte pas sur des errements ou des excès étrangers à notre bien raisonnable.

De telles analyses sont complètement étrangères à celles développées par JP. Sartre. A vrai dire, selon Sartre, la conception classique confond la question de la liberté avec celle de l’obtention de mon bien et donc du bonheur d’une certaine façon. Certes, il serait possible de discuter du lien entre l’obtention du bien raisonnable, qui suppose certaines limitations de mes désirs ou de mes sentiments, et le bonheur qui renvoie à des situations sans doute peu fréquentes où se voient conciliés les ordres de la raison, nos désirs et nos passions, voire notre conscience morale. Il n’en reste pas moins qu’il existe dans le cadre de cette théorie classique de la liberté un lien entre la recherche et l’obtention, totale ou partielle de mon bien et la liberté authentique du sujet, puisqu’après tout le bonheur peut être considéré comme le bien parfait, le souverain bien dirait Kant.

Rien de tel chez Sartre. Les exemples proposés dans le texte sont explicites à cet égard. Si je tombe malade, si cette maladie me conduit à renoncer à l’idéal d’une vie (carrière sportive ou théâtrale), cela ne change rien concernant l’exercice de ma liberté. Cette situation dramatique change tout relativement aux conditions d’une vie rêvée ou relativement à mon sentiment d’un bonheur désormais brisé, mais cela ne change rien quant à mes obligations de faire des choix. Quelle que soit la situation dans laquelle je me trouve, que je sois dans un camp de concentration ou bien sur une scène de théâtre où je connais le sommet de la gloire, je suis amené à assumer à ma manière les situations en question, à effectuer des choix, à être libre.

Certes, chacun admet qu’en fonction des personnes, il existe de multiples manières de réagir face à ces situations. Ce constat ne pose pas problème. Ce qui pose problème c’est la manière d’envisager les origines ou les causes de ces différentes approches. Ces manières différentes d’agir seront spontanément attribuées à des déterminismes psychologiques, sociaux, voire relevant de l’hérédité biologique. Or, précisément, ces « déterminismes » ne sont pour Sartre que des excuses afin de ne pas assumer ses responsabilités. C’est typiquement l’attitude de celui qu’il appelle le « salaud », celui qui rejette sa responsabilité, qui considère qu’il ne pouvait pas faire autrement, qu’il est né comme cela, que c’est son caractère, qu’il est le portrait de son père ou de sa mère, que c’est la faute à son éducation et tutti quanti.

Or, la nature même de la conscience souligne l’inanité de telles excuses. Sartre ne moralise pas en l’occurrence. Chacun choisit d’être ce qu’il veut ou de réagir comme il l’entend. Mais personne n’a le droit de dire qu’il ne pouvait pas faire autrement. Car la conscience, qui est vide, qui ne contient aucune caractéristique m’obligeant à faire tel ou tel choix, est recul par rapport à moi-même et elle me condamne à prendre conscience de la situation que je vis, à l’apprécier, à faire des choix. Certes, Sartre ne nie pas que je sois influencé dans mes choix par mon passé, mes habitudes éducatives, mes croyances, mon statut social etc. Il ne fait donc pas appel à une possibilité de libre-arbitre qui pourrait m’amener à prendre une décision arbitraire, sans raisons, sans être motivé. Il conteste seulement le fait que mon choix ne soit pas considéré comme étant le mien. Si je suis mes habitudes éducatives, c’est mon droit ; c’est en définitive que j’y crois ; que je leur accorde une valeur et nul ne saurait me le reprocher. Mais mes actes témoignent de ce à quoi je crois vraiment. Si, en effet, le cours de la vie m’amène adopter de nouvelles valeurs, alors je romprai avec mes habitudes éducatives par exemple.

Ainsi, seuls mes actes témoignent de ce à quoi je crois et non mes paroles ou même mes intentions sincères en apparence. Car je peux être de mauvaise foi, c’est-à-dire me mentir à moi-même. Seuls les actes dévoileront à mes propres yeux et a fortiori aux yeux des autres qui je suis, ce à quoi je tiens vraiment. Les « déterminismes » supposés n’ont sur moi que le pouvoir que je leur donne.

Bien entendu, cela conduit à accorder à la conscience et à la prise de conscience une importance décisive. Nietzsche qui considérait la conscience comme un simple phénomène superficiel et sans prise sur le monde, aurait condamné cette analyse. Certes, Sartre ne défend pas le libre-arbitre, cette invention, disait Nietzsche, des clercs afin de me rendre coupable et de mériter d’être puni. Il ne s’agit pas chez Sartre de la capacité arbitraire, volontaire d’obéir à un devoir auquel on n’adhèrerait pas profondément. Il s’agit de la capacité incontournable à témoigner par nos actes de nos valeurs véritables, valeurs qui sont le fruit des appréciations du sujet conscient au-delà même de ce que la conscience claire lui cache parfois afin de fuir ses responsabilités.

Ainsi mes actes sont le fruit de mes choix, de mes valeurs. Mes actes sont des engagements. Je suis condamné à faire des choix, je suis condamné à témoigner de mes valeurs, je suis condamné à la liberté. C’est en ce sens que lors de la période dramatique de l’occupation allemande, les français ont eu une conscience aiguë qu’il devait choisir entre la résistance, la collaboration, l’attentisme. C’est en ce sens qu’ils ont eu un vif sentiment de liberté, qui se dissipe lors des périodes calmes, grises, où tout semble se jouer en-dehors de nous.