· 10 LA NOTION D'INSTINCT CHEZ L'HOMME . COURS.
· 9 LE STATUT DE LA CONSCIENCE SELON NIETZSCHE. COURS.
· 13 CROYANCES, RITES ET FÊTES DU JUDAÏSME
· NATURE HUMAINE ET CONDITION HUMAINE.
· 1 LES FONDEMENTS D'UNE DEMOCRATIE
· 10 LA FONCTION DU MYTHE
· 531 L'ART POUR L'ART OU ART ENGAGE?
· 5 LE BOUDDHISME: COMPARAISON AVEC L'HINDOUISME
· 12 MOÏSE, FONDATEUR DU JUDAÏSME
· 1 COURS DE PHILOSOPHIE: LA PHILOSOPHIE SPONTANEE.
· 289. INCONSCIENT PSYCHIQUE ET CONNAISSANCE DE SOI.
· 286. LES MANIFESTATIONS DE L'INCONSCIENT PSYCHIQUE.
· 411 LES SOURCES DE LA CONNAISSANCE HUMAINE.
· 2 COURS DE PHILOSOPHIE: LE ROLE DE LA RAISON.
· 8 LE STATUT DE LA CONSCIENCE SELON KANT ET PASCAL. COURS.
>> Toutes les rubriques <<
· 29 Cours: La nature de l'homme (15)
· 8 Les grandes religions (24)
· 36 Cours: L'Art. (14)
· 31Cours: L'inconscient. (6)
· 3 L'esprit démocratique (23)
· 2 Cours: Pourquoi la philosophie? (5)
· 7 Le phénomène religieux (16)
· 30 Cours: La morale. (11)
· 45 Extraits de textes philosophiques (15)
· 35 Cours: La politique. (22)
soi sur plat vie monde animaux soi animal fleur homme mort création divers nature cadre pouvoir demain créations
Statistiques
Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour :
10.09.2025
5091 articles
Rubrique "L'énigme de la conscience". Suite du billet N°4752.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome VII, A.MENDIRI, Amazon
Prochain billet demain samedi 20 avril
La conscience est une notion qui apparaît évidente, vécue immédiatement par tous les hommes et qui pourtant est éminemment complexe au regard des problèmes philosophiques qu’elle soulève. En premier lieu, il faut s’attarder sur sa définition commune ou classique. Étymologiquement la conscience, « cumsciencia » en latin, signifie « accompagné de savoir ». Quel savoir ? Grace à cette faculté nous savons que nous existons et que le monde existe. Le terme exister se distingue du terme de vivre. Exister suppose que l’être concerné ne coïncide pas avec les contenus de sa vie intérieure, notamment avec le moment présent et qu’il se projette en avant de lui-même. L’animal se contenterait de vivre, de sentir qu’il vit alors que seul l’homme, être conscient, existerait au sens rigoureux du terme, c’est-à-dire saurait qu’il vit. L’animal en sentant qu’il vit possède un savoir. L’homme qui existe ne se contente pas de ce savoir immédiat car être conscient revient à savoir qu’on sait.
Parce qu’il sait qu’il existe, l’homme ou l’être conscient peut dire « Je ». C’est ainsi que Kant, dans « l’Anthropologie du point de vue pragmatique » propose une analyse fort pertinente de cette situation particulière de l’homme conscient : « Posséder le « Je » dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne ; et grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c’est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité de choses comme le sont les animaux sans raison...et ceci, même lorsqu’on ne peut pas encore dire Je, car il l’a cependant dans sa pensée ».
Ces considérations amènent l’auteur à comparer l’enfant et l’adulte : « Il faut remarquer que l’enfant, qui sait déjà parler assez correctement, ne commence qu’assez tard...à dire Je ; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger ; marcher, etc.) ; et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je ; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l’autre manière de parler. Auparavant il ne faisait que se sentir ; maintenant il pense ».
Les observations de Kant nous amènent à distinguer conscience immédiate et conscience réfléchie. Cette dernière renvoie à la capacité de réflexion et à vrai dire à la conscience proprement dite. Ce recul par rapport à tous ses contenus rend possible ce qu’on appelle la pensée. Cette faculté permet en effet de distinguer le monde perçu d’un monde possible et de séparer ce qui est indissociable dans la réalité, c’est-à-dire d’abstraire. Le sujet conscient perçoit par exemple une fleur mais il en distingue la couleur, l’odeur, la consistance etc. En revanche la conscience immédiate est celle qui se manifeste sans être accompagnée d’une réflexion. C’est le cas, par exemple, lorsque nous pédalons sans penser à quoi que ce soit de précis. De ce fait,la conscience immédiate relève du « senti » et non du « pensé ».
Toujours est-il que la conscience proprement dite, c’est-à-dire la conscience réfléchie conduit J.P. Sartre à proclamer que « toute conscience est comédie » : « Considérons ce garçon de café. Il a le geste vif et appuyé et perpétuellement rompu, un peu trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les consommateurs d’un pas un peu trop vif, il s’incline avec un peu trop d’empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la commande du client, enfin le voilà qui revient, en essayant d’imiter dans sa démarche la rigueur inflexible d’on ne sait quel automate, tout en portant son plateau avec une sorte de témérité de funambule, en le mettant dans un équilibre perpétuellement instable, qu’il rétablit perpétuellement d’un mouvement léger du bras et de la main. Toute sa conduite nous semble un jeu. Il s’applique à enchaîner ses mouvements comme s’ils étaient des mécanismes se commandant les uns les autres, sa mimique et sa voix même semblent des mécanismes, il se donne la prestesse et la rapidité impitoyable des choses. Il joue, il s’amuse. Mais à quoi joue-t-il ? Il ne faut pas l’observer longtemps pour s’en rendre compte.Il joue àêtregarçon de café ».
Ainsi la conscience me conduit en toutes circonstances à me voir agir, à jouer un rôle, à être à l’initiative de l’image que je veux renvoyer aux autres. Mais dans le même temps cette capacité de se représenter en permanence ce que j’ai choisi d’être fait la grandeur de l’homme. C’est ce que Pascal souligne dans « Les Pensées » : La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable. Un arbre ne se connaît pas misérable. C’est donc être misérable que de se connaître misérable ; mais c’est être grand que de connaître qu’on est misérable. Penser fait la grandeur de l’homme. Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n’est que l’expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir l’homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute. L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien.Toute notre dignité consiste donc en la pensée ».
La conscience définirait donc l’homme. Pourtant, le débat reste ouvert entre ceux qui soutiennent que la conscience constitue l’apanage de l’homme et ceux qui sont persuadés que, à des degrés certes divers, la conscience est indissociable de l’être vivant animal, de la bactérie jusqu’à l’homme. Cette conception suppose donc que le réel soit continu, qu’il n’y ait pas de saut dans la nature, pas d’émergence brutale de propriétés nouvelles. L’état conscient ne renverrait pas à un état qualitatif original mais serait présent avec des gradations différentes tout au long de la chaîne de l’évolution.
Pourtant, il semble bien qu’il y ait des sauts qualitatifs au cours de l’évolution du cosmos. C’est à partir d’un certain degré de complexité de l’organisation matérielle que surgissent la vie et ses propriétés nouvelles comme l’unité indissociable des éléments constitutifs de l’être vivant et la reproduction sans parler de la sensation pour les êtres vivants du règne animal. Entendons-nous bien : nous ne disons pas comme les vitalistes du XIX° siècle que la vie est de nature différente de la matière mais simplement que la complexité croissante de l’organisation matérielle fait émerger des propriétés jusque là inconnues.
Or il semble qu’il en aille de même à propos de la complexité croissante des êtres vivants et en particulier de leur système nerveux central. A un certain degré de complexité émergerait ce qu’on appelle la conscience. Songeons que le chimpanzé, l’animal sans doute le plus complexe après l’homme ne possède que 9 milliards de neurones contre 100 milliards pour l’être humain. Si l’on songe que chaque neurone peut établir des centaines de mille de relations avec les autres neurones, on mesure le fossé abyssal entre l’homme et les autres espèces animales.
C’est pour cela qu’aucun animal n’accède à un véritable langage, car celui-ci suppose une création conventionnelle et la possibilité de combiner un nombre infini de messages à partir d’un nombre fini d’éléments. L’animal ne pense pas et donc n’est pas en capacité de créer un tel outil de communication.
Certes cette thèse suppose que le réel procède par sauts qualitatifs et soit discontinu. Mais c’est très précisément ce qui se passe dès l’organisation des niveaux les plus élémentaires de la matière. La physique quantique nous a appris que les échanges d’énergie s’effectuaient par paquets, par quanta, et que les trajectoires des électrons autour du noyau au sein des atomes observaient également des sauts de ce type.
Ces analyses pourraient laisser penser que nous défendons une conception finaliste de l’évolution, à l’image de celle du cosmologiste Trinh Xuan Thuan qui défend la thèse selon laquelle l’évolution de l’Univers obéirait à un principe de complexité croissante et que les paramètres physiques initiaux qui président à cette évolution sont tels afin qu’apparaissent des êtres conscients.
Nous sommes persuadés que l’ évolution, celle des êtres vivants en particulier, est structurée de manière aléatoire et traversée par une infinité de hasards contingents. La conscience, dans ce cadre là n’émergerait pas à partir de la seule organisation anatomique que nous connaissions, à savoir le cerveau de l’être humain. Une infinité d’organisations différentes sont sans doute susceptibles de faire émerger la conscience. Celle-ci ne pourrait néanmoins surgir qu’à partir d’un certain degré de complexité des êtres vivants.
Se pose alors la question de la nature et des conditions d’émergence de la conscience. Certes, elle appartiendrait à la même réalité que la vie ou la matière inerte. Seules ses propriétés originales la distinguerait des autres formes d’organisation du réel. Mais doit-on en conclure pour autant, comme le fait l’immense majorité des hommes de science et du corps médical, que la conscience est produite par le cerveau comme la bile par les cellules hépatiques ?
C’est le point de vue que soutient J.P. Changeux : « Les possibilités combinatoires liées au nombre et à la diversité des connexions du cerveau de l’homme paraissent suffisantes pour rendre compte des capacités humaines. Le clivage entre activités mentales et neuronales (que soutiennent les « émergentistes ») ne se justifie pas ; Désormais, à quoi bon parler d’« esprit » ? Il n’y a que deux « aspects » d’un seul et même évènement que l’on pourra décrire avec des termes empruntés soit au langage de la psychologie (ou de l’introspection), soit à celui des neurobiologistes » (L’homme neuronal 1983)
A l’opposé, Pom Van Lommel, tire de l’étude des EMI (expériences de mort imminente) les conclusions suivantes : « Le fait que les gens rapportent des expériences lucides dans leur conscience, quand l’activité cérébrale a cessé est difficile à concilier avec l’opinion médicale actuelle ( selon laquelle la conscience est localisée exclusivement dans le cerveau). Comment pourrait-il y avoir une conscience claire en-dehors du corps pendant une période de mort clinique, avec un électroencéphalogramme plat ? Et fait troublant, même les personnes aveugles ont décrit les mêmes perceptions lors de leur sortie du corps au moment de leur EMI. L’étude scientifique des EMI nous pousse dans nos retranchements et remet en cause nos connaissances médicales et neurophysiologiques » (Mort ou pas? 2012)
Cela conduit certains philosophes de la conscience comme Chalmers (XX° siècle) à considérer que la conscience constitue la substance fondamentale de l’Univers et que le cerveau ne produit pas la conscience mais ne fait que la capter en la canalisant en fonction de nos besoins d’adaptation à un milieu donné. En fait ce panpsychisme revient à proclamer que toute réalité est constituée d’unités d’information, et que la constitution de structures de plus en plus complexes fait émerger des degrés d’information ou de conscience de plus en plus élaborées. A certains égards, cette conception ne rend plus incompatibles les thèses gradualistes de la présence de la conscience et les thèses émergentistes qui font apparaître par sauts des propriétés nouvelles au sein de l’Univers. Bref, la nature de la conscience demeure encore mystérieuse et le débat à ce propos reste largement ouvert.