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10.09.2025
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Rubrique "L'énigme de la conscience". Suite du billet N°4279.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome VII, A.MENDIRI (en cours de rédaction)
Prochain billet demain jeudi 22 décembre.
La conscience constitue-t-elle la totalité de la vie psychique chez l’homme ? Depuis le milieu du XIX° siècle, des courants philosophiques comme celui de Nietzsche ou la psychologie scientifique avancent l’hypothèse d’un psychisme inconscient largement dominant, la conscience se réduisant à un simple épiphénomène. Pourtant le XX° siècle a connu également de multiples remises en cause de cette hypothèse. Certes, il ne s’agit pas pour autant de considérer que tout est clair au sein de notre vie intérieure mais de s’interroger sur le sens que peut avoir un psychisme qui serait par nature étranger à la conscience.
René Girard prétend ruiner les thèses de Freud en montrant que le désir est par essence mimétique et qu’en conséquence le désir demeure conscient et se porte sur le désir du désir d’autrui. Alain reprend la conception de Descartes selon laquelle tout ce qui n’est pas conscient relève du corps. L’idée d’un inconscient psychique constituerait une « idolâtrie » de celui-ci. J.P. Sartre pour sa part critique le processus de la censure, à l’origine de la constitution de l’inconscient chez Freud, au motif que celui-ci, pour avoir un sens et une efficacité, doit être conscient. Certes il y a au sein de notre vie intérieure des zones d’ombre, difficiles d’accès car cela suppose de ne plus fuir des problèmes difficiles à affronter, mais c’est être de mauvaise foi, se mentir à soi-même de considérer que ces zones d’ombre sont inaccessibles. Enfin, Popper soupçonne les théories de l’inconscient de jouer sur le caractère caché de son contenu et d’adapter les explications proposées afin que les principes théoriques ne soient jamais pris en défaut. Le critère de « falsification », qui consiste à prévoir les faits qui ruineraient la théorie n’est pas respecté et il en conclut que toutes ces théories ne peuvent être considérées comme scientifiques.
Le mérite néanmoins des thèses sur l’inconscient psychique est d’avoir reposé sur un plan qui se veut objectif la question de la nature de la conscience et de sa capacité à effectuer des choix face aux déterminismes qui l’affectent. Déjà au XVII° siècle, Spinoza critiquait avec vigueur l’idée de libre-arbitre dans sa « Lettre à Schüller »: « Concevez...que la pierre, tandis qu’elle continue de se mouvoir, sache et pense qu’elle fait tout l’effort possible pour continuer de se mouvoir. Cette pierre, assurément, puisqu’elle n’est consciente que de son effort, et qu’elle n’est pas indifférente, croira être libre et ne persévérer das son mouvement que par la seule raison qu’elle le désire ».
Spinoza fait alors un rapprochement avec le sentiment de liberté qui habite l’homme : « Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs actes et ignorants des causes qui les déterminent. C’est ainsi qu’un enfant croit désirer librement le lait, et un jeune garçon irrité vouloir se venger s’il est irrité mais fuir s’il est craintif. Un ivrogne croit dire par une décision libre ce qu’ensuite il aurait voulu taire. De même un dément, un bavard, et de nombreux cas de ce genre croient agir par une libre décision de leur esprit, et non pas par une impulsion. Et comme ce préjugé est inné en tous les hommes, ils ne s’en libèrent pas facilement ».
Dans « Le crépuscule des idoles », Nietzsche fait du libre-arbitre une invention des théologiens afin que l‘idée de punition puisse conserver un sens : « Il ne nous reste plus aujourd’hui plus aucune espèce de compassion avec l’idée de « libre-arbitre » : nous savons trop bien ce que c’est- le tour de force théologique le plus mal famé qu’il y ait, pour rendre l’humanité « responsable » à la façon des théologiens, ce qui veut dire : pour rendre l’humanité dépendante des théologiens...Partout où l’on recherche des responsabilités, c’est généralement l’instinct de punir et de juger qui est à l’œuvre. On a dégagé le devenir de son innocence lorsque l’on ramène un état de fait quelconque à la volonté ; à des intentions, à des actes de responsabilité : la doctrine de la volonté a été principalement inventée afin de punir, c’est-à-dire avec l’intention de trouver coupable… Le christianisme est une métaphysique du bourreau ».
Freud dans « La psychologie de la vie quotidienne » , en s’appuyant sur l’existence d’un inconscient psychique rejoint Spinoza dans sa négation du libre-arbitre : « On sait que beaucoup de personnes invoquent à l’encontre d’un déterminisme psychique absolu, leur conviction intime de l’existence d’un libre-arbitre. Cette conviction refuse de s’incliner devant la croyance au déterminisme...Je crois cependant avoir remarqué qu’elle ne se manifeste pas dans les grandes et importantes décisions ; dans ces occasions, on éprouve plutôt le sentiment d’une contrainte psychique, et on en convient : « j’en suis là » ; je ne puis faire autrement ». Lorsqu’il s’agit, au contraire, de résolutions insignifiantes, on affirme volontiers qu’on aurait pu tout aussi bien se décider autrement, qu’on a agi librement, qu’on a accompli un acte de volonté non motivé ».
Freud tire de ce constat la conclusion suivante : « La distinction entre la motivation consciente et la motivation inconsciente une fois établie, notre conviction nous apprend seulement que la motivation consciente ne s’étend pas à toutes nos décisions motrices. Le chef ne se soucie pas des détails. Mais ce qui reste non motivé d’un côté, reçoit ses motifs d’une autre source, de l’inconscient, et il en résulte que le déterminisme psychique apparaît sans solution de continuité » .
Pourtant, les spécialistes des sciences humaines sont en fin de compte beaucoup moins certains de l’inexistence du libre-arbitre que ce qu’il apparaît dans les analyses qui précèdent.C’est ainsi que le sociologue français Bourdieu (XX° siècle) souligne que le déterminisme, loin de conduire à nier l’idée de liberté, permet au contraire d’en souligner le caractère incontournable. Tout être humain est en effet soumis depuis sa naissance à de multiples déterminismes de nature différente, déterminismes sociaux, éducatifs, psychologiques, etc. Or, il va de soi qu’au cours de sa vie et en particulier au cours de son éducation, un individu reçoit des influences diverses et même contradictoires. Il se voit donc acculé à faire des choix parmi ces influences contradictoires et par là même est appelé à construire les éléments de sa propre personnalité. C’est par le jeu des déterminismes que la liberté du sujet est amenée à prendre forme.
Il en va de même concernant Freud lui-même qui nuance considérablement sa négation du libre-arbitre dans « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci » : « « …même en possession de la plus ample documentation historique et du maniement certain de tous les mécanismes psychiques, l’investigation psychanalytique…resterait impuissante à rendre compte de la nécessité qui commanda à un être de devenir ce qu’il fut et de ne devenir rien d’autre. Nous avons déjà dû admettre que, chez Léonard de Vinci, le hasard de sa naissance illégitime et l’excessive tendresse de sa mère exercèrent l’influence la plus décisive sur la formation de son caractère et sur sa destinée, le refoulement survenu après cette phase d’enfance ayant conditionné et la sublimation de la libido en soif de savoir et l’inactivité sexuelle de toute sa vie. Mais ce refoulement, après les premières satisfactions érotiques de l’enfance, aurait pu ne pas avoir lieu ; il n’aurait peut-être pas eu lieu chez un autre individu ou eût pu avoir bien moins d’amplitude. Il nous faut reconnaître ici une marge de liberté que la psychanalyse reste impuissante à réduire. De même, le résultat de cette poussée de refoulement ne peut être considéré comme le seul possible. Une autre personne n’aurait sans doute pas réussi à soustraire la plus grande partie de sa libido au refoulement, par la sublimation en soif de savoir. Soumise aux mêmes influences que Léonard, elle aurait subi soit un durable préjudice du travail de la pensée, soit une prédisposition indomptable à la névrose obsessionnelle.
J.P. Changeux lui-même admet une part irréductible de liberté en se fondant sur l’analyse des mécanismes cérébraux : « Spinoza a dit une phrase à laquelle j’adhère: «Les hommes se croient libres car ils ignorent les causes qui les déterminent.» Cela dit, il ne faut pas voir l’être humain comme un automate pré-câblé. Il l’est en grande partie, mais il existe une variabilité dans le câblage ainsi qu’une activité neuronale spontanée dont le résultat est que, souvent, plusieurs possibilités se présentent. Le cerveau en choisit une en anticipant les conséquences de chacune d’elles. Si vous voulez appeler cela libre arbitre, cela ne me gêne pas".
Toutes ces considérations conduisent à valider les conceptions de Hegel concernant la liberté de la volonté : « On dit volontiers : ma volonté a été déterminée par ces mobiles, circonstances, excitations et impulsions. La formule implique d’emblée que je me sois ici comporté de façon passive. Mais, en vérité, mon comportement n’a pas été seulement passif ; il a été actif aussi, et de façon essentielle, car c’est ma volonté qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles, qui les fait valoir comme mobiles. Il n’est ici aucune place pour la relation de causalité. Les circonstances ne jouent point le rôle de causes et ma volonté n’est pas l’effet de ces circonstances. La relation causale implique que ce qui est contenu dans la cause s’ensuive nécessairement. Mais en tant que réflexion, je puis dépasser toute détermination posée par les circonstances. Dans la mesure où l’homme allègue qu’il a été entraîné par des circonstances, des excitations, etc., il entend par là rejeter, pour ainsi dire, hors de lui-même sa propre conduite, mais ainsi il se réduit tout simplement à l’état d’être non libre ou naturel, alors que sa conduite, en vérité, est toujours sienne, non celle d’un autre ni l’effet de quelque chose qui existe hors de lui. Les circonstances ou mobiles n’ont jamais sur l’homme que le pouvoir qu’il leur accorde lui-même ».( Propédeutique philosophique)
C’est ce que reprend Sartre dans « Cahiers pour la morale » par sa célèbre formule selon laquelle « nous sommes condamnés à la liberté » : Me voilà tuberculeux par exemple. Ici apparaît la malédiction… Cette maladie, qui m’infecte, m’affaiblit, me change, limite brusquement mes possibilités et mes horizons. J’étais acteur ou sportif ; avec mes deux pneumos, je ne puis plus l’être. Ainsi négativement je suis déchargé de toute responsabilité touchant ces possibilités que le cours du monde vient de m’ôter. C’est ce que le langage populaire nomme être diminué. Et ce mot semble recouvrir une image correcte : j’étais un bouquet de possibilités, on ôte quelques fleurs, le bouquet reste dans le vase, diminué, réduit à quelques éléments.Mais en réalité il n’en est rien : cette image est mécanique... Il est vrai de dire qu’on m’ôte ces possibilités mais il est aussi vrai de dire que j’y renonce ou que je m’y cramponne ou que je ne veux pas voir qu’elles me sont ôtées ou que je me soumets à un régime systématique pour les reconquérir. En un mot ces possibilités sont non pas supprimées mais remplacées par un choix d’attitudes possibles envers la disparition de ces possibilités.Et d’autre part surgissent avec mon état nouveau des possibilités nouvelles : possibilités à l’égard de ma maladie (être un bon ou un mauvais malade), possibilités vis-à-vis de ma condition (gagner tout de même ma vie, etc..), un malade ne possède ni plus ni moins de possibilités, qu’un bien portant ; il a son éventail de possibles comme l’autre et il a à décider sur sa situation, c’est-à-dire à assumer sa condition de malade pour la dépasser (vers la guérison ou vers une vie humaine de malade avec de nouveaux horizons). Autrement dit, la maladie est une condition à l’intérieur de laquelle l’homme est de nouveau libre et sans excuses. Il a à prendre la responsabilité de sa maladie. Sa maladie est une excuse pour ne pas réaliser ses possibilités de non-malade mais elle n’en est pas une pour ses possibilités de malade qui sont aussi nombreuses…Ainsi suis-je sans repos : toujours transformé, miné, laminé, ruiné du dehors et toujours libre, toujours obligé de reprendre à mon compte, de prendre la responsabilité de ce dont je ne suis pas responsable. Totalement déterminé et totalement libre. Obligé d’assumer ce déterminisme pour poser au-delà les buts de ma liberté, de faire de ce déterminisme un engagement de plus ».