· 10 LA NOTION D'INSTINCT CHEZ L'HOMME . COURS.
· 9 LE STATUT DE LA CONSCIENCE SELON NIETZSCHE. COURS.
· 13 CROYANCES, RITES ET FÊTES DU JUDAÏSME
· NATURE HUMAINE ET CONDITION HUMAINE.
· 1 LES FONDEMENTS D'UNE DEMOCRATIE
· 10 LA FONCTION DU MYTHE
· 531 L'ART POUR L'ART OU ART ENGAGE?
· 5 LE BOUDDHISME: COMPARAISON AVEC L'HINDOUISME
· 12 MOÏSE, FONDATEUR DU JUDAÏSME
· 1 COURS DE PHILOSOPHIE: LA PHILOSOPHIE SPONTANEE.
· 289. INCONSCIENT PSYCHIQUE ET CONNAISSANCE DE SOI.
· 286. LES MANIFESTATIONS DE L'INCONSCIENT PSYCHIQUE.
· 411 LES SOURCES DE LA CONNAISSANCE HUMAINE.
· 2 COURS DE PHILOSOPHIE: LE ROLE DE LA RAISON.
· 8 LE STATUT DE LA CONSCIENCE SELON KANT ET PASCAL. COURS.
>> Toutes les rubriques <<
· 29 Cours: La nature de l'homme (15)
· 8 Les grandes religions (24)
· 36 Cours: L'Art. (14)
· 31Cours: L'inconscient. (6)
· 3 L'esprit démocratique (23)
· 2 Cours: Pourquoi la philosophie? (5)
· 7 Le phénomène religieux (16)
· 30 Cours: La morale. (11)
· 45 Extraits de textes philosophiques (15)
· 35 Cours: La politique. (22)
pensée pensées créations pensée texte cadre soi nature travail message monde histoire chez homme vie image extrait extra animal amour
Statistiques
Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour :
19.09.2025
5100 articles
Il y a une semaine environ, l'exposé du cours de philosophie citait un texte de Nietzsche relativisant le rôle de la conscience. Lors du dernier billet nous avions montré que si la conscience résultait certes d'une complexité particulièrement élevée de l'organisation corporelle, ce sont bien les propriétés de cette conscience qui étaient à l'origine de la civilisation, des formes artificielles qui signent la spécificité et la supériorité de l'espèce humaine.
Quels sont les arguments de Nietzsche visant à relativiser le statut de la conscience? Nous en dégagerons trois: en premier lieu, la conscience est le fruit du besoin, plus particulièrement le besoin de protection et la peur pour la survie des êtres individuels; ce besoin vital exige d'être connu, d'où l'émergence de la conscience, et ce besoin commun se traduit par le langage, lui-même par essence outil utilisant des mots communs, des significations partageables et donc très générales et superficielles par rapport à la richesse et la singularité d'une vie intérieure personnelle; enfin, la partie la plus intéressante, la plus profonde, la plus féconde du psychisme échappe à la conscience et c'est une inversion des valeurs que d'accorder le primat à la conscience là où l'inconscient devrait être honoré.
Que doit-on en penser? Nietzsche ralativise l'importance de la conscience en montrant que celle-ci a pour source le besoin. Sa valeur se ramène donc à la valeur de ces besoins. Nous retrouvons là l'explication matérialiste classique. Comme il nous est arrivé de le souligner, le matérialisme réduit à dessein la valeur d'une réalité à la valeur de son origine. Que la conscience soit apparue à la faveur de tel ou tel besoin, pourquoi pas. Mais cette exigence génétique ne lui enlève en rien sa valeur spécifique, valeur totalement indépendante de tels besoins. De plus, il existe un lien étroit entre l'extraordinaire complexité du corps de l'aveu même de Nietzsche et l'apparition de la conscience. A supposer que ces deux dimensions de l'homme soient indissociables, la valeur du premier rejaillit sur la valeur de la seconde. L'animal ignore le statut conscient, à tout le moins le degré de conscience présent au sein de l'humanité, et tout simplement parce que les degrés de complexité corporelle ne sont guère comparables.
Nietzsche poursuit son argumentation en établissant un parallèle entre la superficialité supposée de la conscience et le caractère général, commun, superficiel en un mot, du langage. Celui-ci aurait pour fonction d'exprimer ce qui est commun "au troupeau" pour reprendre une expression de Nietzsche et non ce qui est singulier, unique, individuel. Que les mots, comme le disent les linguistes, aient un caractère général ou social, une "dénotation" partageable par tous et comme tels ne parlant de personne en particulier, nul ne le contestera. Mais une telle analyse du langage comme moyen de communication n'est-elle pas elle-même superficielle? La généralité des mots ne permet-elle pas de saisir ou d'exprimer ce qu'il y a d'universel chez autrui ou chez soi sans pour autant laisser échapper ce qu'il y a d'unique, de singulier dans la manière d'utiliser ces généralités qui, associées avec les multiples autres sources de communication, que celles-ci soient corporelles, liées à un contexte ou une histoire, à des silences, à un ton, à des hésitations, des enthousiasmes etc. conduit à prendre conscience de la richesse et de l'épaisseur authentique et singulière du message véhiculé par ces mots généraux? Bref, Nietzsche ne schématise -t-il pas à l'excès les conditions de la communication humaine, n'oublie-t-il pas ce que les linguistes appellent "les connotations" , c'est-à-dire les associations singulières de sens attachés aux mots dans un contexte particulier, étant entendu que nous évoluons par la force des choses en permanence dans le cadre de tels contextes? Et n'est-ce pas la conscience, cette faculté d'accès au sens, qui permet de saisir tous ces signes singuliers au-delà des significations générales et anonymes d'un dictionnaire quelconque?
Enfin, Nietzsche valorise le psychisme inconscient par rapport au psychisme conscient. Rappelons à ce propos que Freud fut un lecteur attentif de Nietzsche. Comment justifier une telle hypothèse? Dans un autre extrait, cité dans le même billet, Nietzsche rappelle que la plupart de nos actes quotidiens et banals, voire de nos pensées sont "mécaniques" et privés de conscience réfléchie; à l'autre extrême, les grandes créations de l'esprit sont fondées sur des intuitions qui surgissent à l'issue d'une longue maturation au sein d'un monde intérieur échappant à la conscience.
Certes, Leibniz (XVII° siècle) soutenait déjà et sans doute à juste titre que les 3/4 de nos actions étaient de nature empirique, issues d'associations ayant pour origine l'habitude, et à ce titre largement mécaniques, à l'image de celles qui caractérisent, selon ce même philosophe, le monde animal. Certes, nos intuitions, lorsqu'elles sont les fondements de nos activités créatrices, puisent leurs racines au sein d'un univers intérieur dont nous sommes loin de maîtriser tous les ressorts. Mais c'est oublier que ces intuitions sont elles-mêmes le résultat d'un travail conscient préalable et souvent fort ancien; c'est oublier également que seules les actions objet de la conscience réfléchie, délibérée, volontaire sont à l'origine des pensées construites de l'homme et des grandes créations culturelles. Seules la conscience et la raison, c'est-à-dire la pensée réfléchie, consciente, ordonnée permet de saisir l'universalité du sens enfermée dans la gangue du psychisme désordonné, incontrôlé, éminemment subjectif de "l'inconscient". Dès lors, là encore, c'est la conscience réfléchie qui permet de faire émerger toute la richesse potentielle d'une forme de psychisme d'une autre nature.
L'ensemble de ces arguments conduit à mettre en lumière le caractère pour le moins relatif des analyses dévalorisantes de la conscience proposées par Nietzsche.