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· NATURE HUMAINE ET CONDITION HUMAINE.
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· 10 LA FONCTION DU MYTHE
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· 1 COURS DE PHILOSOPHIE: LA PHILOSOPHIE SPONTANEE.
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Date de création : 26.02.2011
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04.11.2025
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Rubrique "Cours: le savoir objectif". Suite du billet N°1874.
Extrait de Philosophie pour tous, A. Mendiri, Connaissances et Savoirs.
Prochain billet demain dimanche 11 décembre (Libres commentaires liturgiques)
Il appartient donc aux historiens de dégager les évènements majeurs d’une époque donnée, en fonction notamment de leur impact à long terme. Mais au-delà de cette mise en perspective des évènements marquants, ils doivent accomplir une tâche encore plus complexe, mais fondamentale du point de vue de la démarche scientifique, à savoir la recherche des causes profondes de ces évènements. Cette entreprise est souvent délicate et n’aboutit la plupart du temps qu’à des conclusions de l’ordre du vraisemblable. C’est ce que Paul Veynes, déjà cité, dans le même article, met bien en évidence :
« Seulement, comme notre connaissance du passé est souvent lacunaire, il arrive très souvent que l’historien se trouve devant un problème… : il constate l’impopularité d’un roi et aucun document ne lui en fait savoir la raison ; il lui faut alors remonter… de l’effet, à sa cause hypothétique. S’il décide que cette cause doit être la fiscalité… l’incertitude est alors celle-ci : nous sommes assurés de l’effet, mais sommes-nous remontés à la bonne explication ? La cause est-elle la fiscalité, les défaites du roi ou encore une troisième chose à laquelle nous n’avons pas songé ? La statistique des messes que les fidèles faisaient dire pour la santé du roi montre clairement la désaffection des esprits à la fin du règne ; par ailleurs, nous savons que les impôts étaient devenus plus lourds et nous avons dans l’esprit que les gens n’aiment pas les impôts. Les gens, c’est-à-dire l’homme éternel, autrement dit nous-mêmes et nos préjugés ; mieux vaudrait une psychologie d’époque. Or nous savons qu’au XVII° siècle beaucoup d’émeutes étaient causées par les impôts nouveaux, les mutations monétaires et la cherté des grains ; cette connaissance n’est pas innée en nous et nous n’avons pas non plus l’occasion, au XX° siècle, de voir beaucoup d’émeutes de ce genre : les grèves ont d’autres raisons. Mais nous avons lu l’histoire de la Fronde ; la liaison de l’impôt et de l’émeute nous y est immédiatement perceptible et la connaissance globale du rapport causal nous est restée. L’impôt est donc une cause vraisemblable du mécontentement, mais d’autres ne le seraient-elles pas tout autant ? Quelle était la force du patriotisme dans l’âme paysanne ? Les défaites n’auraient-elles pas fait autant que la fiscalité pour l’impopularité du roi ? Il faudra bien connaître la mentalité de l’époque pour (conclure) à coup sûr ; on se demandera peut-être si d’autres cas de mécontentement ont d’autres causes que l’impôt ; plus probablement, on ne raisonnera pas par une induction aussi caricaturale, mais on se demandera si, d’après tout ce qu’on sait du climat de cette époque, il existait une opinion publique, si le peuple considérait la guerre étrangère comme autre chose qu’une affaire glorieuse et privée que le roi conduisait avec des spécialistes et qui ne concernait pas les sujets, sauf quand ils avaient à en souffrir matériellement.
On parvient ainsi à des conclusions plus ou moins vraisemblables. « Les causes de cette émeute, qui sont mal connues, étaient probablement l’impôt, comme toujours à cette époque, en de telles circonstances. »
Comme on le voit, non seulement la recherche des causes fait appel à l’interprétation de l’historien mais aussi à sa capacité de ne pas projeter sur l’époque les préoccupations, les valeurs, voire les préjugés de sa propre époque ou bien ceux qui lui sont personnels. Bref, il lui faut surmonter les risques de subjectivité. Deux moyens s’offrent à lui afin d’éviter cet écueil. En premier lieu, tout historien se doit d’indiquer ses sources et sa méthode d’interprétation afin que la communauté des historiens puisse contrôler la vraisemblance objective de ses conclusions. En second lieu, l’historien doit faire preuve d’empathie pour l’esprit de l’époque étudiée, c’est-à-dire faire abstraction de sa propre vision du monde et tenter de comprendre de l’intérieur l’époque qui fait l’objet de sa recherche.
C’est ce que soutient Paul Ricœur dans « Histoire et vérité » : « L’historien va aux hommes du passé avec son expérience humaine propre. Le moment où la subjectivité de l’historien prend un relief saisissant, c’est celui où… l’historien fait surgir les valeurs de la vie des hommes d’autrefois. Cette évocation des valeurs, qui est finalement la seule évocation des hommes qui nous soit accessible, faute de pouvoir revivre ce qu’ils ont vécu, n’est pas possible sans que l’historien soit vitalement « intéressé » à ces valeurs et n’ait avec elles une affinité en profondeur ; non que l’historien doive partager la foi de ses héros ; il ferait alors rarement de l’histoire , mais de l’apologétique ( Discipline théologique qui défend le christianisme contre ses adversaires) voire de l’hagiographie (Science religieuse qui s’intéresse à la vie des saints) ; mais il doit être capable d’admettre par hypothèse leur foi… ». Pensons, notamment à la question de l’esclavage, justifié par tous les intellectuels grecs du V° siècle av JC, largement accepté jusqu’au XVIII° siècle, et qui provoque tant d’incompréhension spontanée de la part des contemporains, pour saisir la portée de cette analyse du travail que doit opérer sur soi l’historien afin d’échapper à la subjectivité de son époque.
Etablir les événements marquants d’une époque, leurs causes profondes, comprendre de l’intérieur son esprit authentique, autant de tâches qui sont délicates et qui font appel à l’interprétation de l’historien, cette démarche aboutissant à des conclusions vraisemblables, et exigeant que ce dernier surmonte toute source repérable et maîtrisable de subjectivité. Mais là ne s’arrêtent pas les difficultés de la science historique. Chacun aura peut être remarqué que l’histoire est une discipline tout à fait singulière, puisqu’elle étudie des évènements uniques par essence ainsi que des époques qui elles-mêmes, en tant que moments du développement de l’histoire humaine, s’avèrent originales et appelées à ne point se répéter.
Or, nous savons bien qu’« il n’y a de science que du général » selon l’expression fameuse d’Aristote. Cela signifie que l’homme de science étudie des rapports constants entre des causes et des effets, et si possible, comme dans les sciences de la nature, mesurables. Ces rapports constants et mesurables définissent des lois de la nature ou bien, dans une bien moindre mesure, l’exigence d’interprétation aidant, des lois d’ordre psychologique ou économique ou sociologique. L’histoire dite évènementielle, celle qui s’attache à l’établissement des évènements, uniques par définition, à leurs causes, à leur sens, à leur portée, ignore ce type d’exigences. L’histoire se présente donc bien comme une science de l’homme, et même comme une science tout court, fort singulière quant à son objet.
Tel est le premier reproche adressé à la science historique classique, dite histoire évènementielle, par un groupe d’historiens appelé du nom d’une revue, à savoir l’ « Ecole des annales » (1929). Les faits évènementiels sont uniques et donc contingents et ne sauraient à ce titre faire l’objet d’une véritable science. Ces historiens ajoutent que l’histoire classique s’intéresse trop exclusivement à l’histoire politique, militaire, diplomatique en se désintéressant de la vie des peuples, des phénomènes sociaux et culturels en général.
Dès lors, ce courant historique se donne pour tâche d’étudier précisément ces grandes causes générales que sont les phénomènes économiques, sociaux, démographiques, religieux, techniques etc., ce qui permet de ne pas réduire le cours de l’histoire à celui de l’action des « grands hommes » dont l’influence, qui plus est, s’avère sans doute beaucoup plus restreinte que ce que l’on se plait à croire couramment.
A. Mendiri