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Rubrique "Les langages impossibles". Suite du billet N°5117.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome VI, A.MENDIRI, Amazon
Prochain billet demain samedi 08 novembre
Les analyses que nous avons menées concernant le langage de la physique contemporaine et les limites du langage usuel afin de relater les expériences dites de mort imminente soulignent combien l’homme ne dispose pas toujours de l’outil lui permettant de se représenter clairement les réalités qu’il évoque dès lors que les réalités en question s’avèrent éloignées ou étrangères à sa sphère habituelle de vie et au bon sens alimenté par les exigences rationnelles communes.
Pourtant, dans les deux cas, ce langage n’apparaît pas comme purement arbitraire ou le produit d’une imagination délirante, alors même que l’homme est invité expressément à se méfier de l’imagination, cette « folle du logis » comme le dit plaisamment Malebranche (XVII° siècle). En effet, l’indice le plus convaincant que nous avons affaire à des réalités effectives et non à de simples produits de l’imagination, réside précisément dans la résistance à notre imagination des objets de pensée évoqués. Tel est le critère décisif qui signe la présence d’une réalité, que celle-ci soit idéelle comme en mathématiques ou bien matérielle ou plus précisément empirique comme dans les sciences dites dures, la physique notamment.
Quelles que soient la nature et surtout les limites du langage de la physique, il s’avérerait hors de propos de douter que ce langage renvoie à une réalité effective, comme en témoigne l’efficacité des théories physiques concernées afin de prévoir et de comprendre le mode de fonctionnement des phénomènes étudiés sans compter leurs nombreuses et spectaculaires applications pratiques.
A certains égards, il en va de même concernant les témoignages des « expérienceurs » des EMI ou NDE. Car s’il s’avère hasardeux de tirer à ce jour des conclusions claires à propos de ce type de phénomènes, il n’en reste pas moins que toutes les interrogations qu’ils suscitent, que ce soit à propos du fonctionnement du cerveau ou à propos des vérifications objectives que les sorties de corps ou supposées telles semblent donner lieu, conduisent davantage, vers la découverte d’un nouveau paradigme explicatif des phénomènes conscients que vers la conviction que ce sont là de simples illusions ou hallucinations d’un type nouveau et non encore répertorié.
Il n’en reste pas moins que là encore le langage des « expérienceurs » est hypothéqué et rendu suspect auprès des autorités médicales et scientifiques du fait même du caractère absolument inadéquat du langage usuel et ce, de l’aveu même de ceux qui ont vécu de l’intérieur les phénomènes en question.
Ce rappel à propos des limites du langage et par le biais de celui-ci des capacités de la pensée qui accompagne et utilise ce langage concernant l’activité scientifique et les modes de perception hors norme qui caractérisent les états modifiés de conscience, prépare le terrain à l’analyse du langage religieux qui possède également des spécificités dont il va nous falloir en rappeler les traits essentiels et originaux.
Nul n’ignore que ce langage est souvent déroutant pour des esprits rationnels. Il semble relever d’époques où il était encore possible de croire au merveilleux, au miracle, aux interventions du surnaturel dans les phénomènes de la nature ou au sein de l’histoire humaine. Ce langage emprunte souvent au mythe afin d’évoquer les origines du monde, les fins ultimes, l’ordre naturel. Nombre de lecteurs contemporains, rivés à ces textes de manière strictement littérale, considèrent que ce sont des textes poétiques ou bien destinés à l’âge de l’enfance au même titre que les contes de fées.
Il y a de multiples raisons de faire l’hypothèse que la lecture littérale de ces textes et l’existence du « Mal », couplées aux dérives profanes ou historiques fréquentes des institutions religieuses sont la source de l’athéisme contemporain grandissant ou de l’indifférence religieuse sans compter un anticléricalisme souvent virulent.
Il convient donc d’analyser froidement et rationnellement le langage religieux et les croyances auxquelles il renvoie en mettant entre parenthèses les passions que nous venons de rappeler. Car, comme nous allons le voir, les passions négatives vis-à-vis de la religion en général relèvent davantage de l’ignorance que d’une prise de conscience lucide des caractéristiques de ce langage et de la démarche religieuse qu’il exprime.
Rappelons en premier lieu que l’être humain, par nature, parce qu’il est conscient du monde et de lui-même, se pose inévitablement la question du sens de l’existence et de son existence individuelle en particulier. La question du sens est incontournable. Elle décide des actions que nous allons mener, des valeurs qui vont guider cette action, des satisfactions que nous allons tirer de cette existence, de notre manière d’assumer la finitude ou la mort, puisque nous sommes le seul être vivant pour qui la mort est un problème dans la mesure où nous sommes les seuls à en être conscient. Quelles que soient les réponses que les hommes apportent à la question du sens, tous, par nécessité, non seulement se posent cette question mais y répondent à leur manière sous formes de croyances.
A vrai dire, deux convictions sont envisageables en la matière : soit ils croient en un sens objectif ou bien ils sont persuadés que la réalité des choses s’avère in fine absurde, c’est-à-dire sans raison. Certes, il existe des raisons d’être attachés à la vie non choisie qui nous est offerte, comme les plaisirs et les satisfactions de toutes sortes, matérielles, affectives, intellectuelles, morales, mais en dernier lieu la finitude de cette existence éphémère au sein d’un Univers qui nous ignore, relève de l’absurde.
Ces deux « paris » comme dirait Pascal, sont fatalement de l’ordre de la croyance, soit la foi des « croyants » comme on appelle ceux qui croient au sens soit la « croyance en l’incroyance » pour parodier Nietzsche, pour ceux qui sont persuadés de l’absurdité des choses in fine. Car ces deux « paris » ou plus justement sans doute ces deux vécus intimes s’avèrent échapper à toute preuve, à toute certitude et cela demeure inchangé à notre époque où la science est hautement développée. La démarche scientifique et la démarche philosophique sont inaptes à traiter cette question du sens hors du cadre de la croyance et il n’y a aucun signe qu’il puisse en être autrement dans un avenir proche et même lointain.
L’époque moderne et contemporaine nous propose cependant des connaissances nous éclairant sur l’origine et la nature de cette ignorance remontant du fond des âges. En premier lieu la théorie de l’évolution initiée par Darwin au XIX° siècle nous apprend que l’homme moderne et son cerveau par conséquent, outil de sa capacité à penser et à raisonner, sont le résultat de plusieurs millions d’années d’évolution aléatoire, d’une série impressionnante et imprévisible d’accidents. Dès lors, difficile de supposer que l’homme ainsi apparu sur la planète Terre dispose de la possibilité avec sa petite raison grossière, comme le proclame Nietzsche, de l’aptitude de se représenter et de comprendre l’Être, ce qui est vraiment au-delà des apparences, tel qu’il est. Sinon, il faut tomber dans la thèse finaliste la plus extrême consistant à supposer que ce tourbillon désordonné d’accidents contingents a conduit à la genèse de l’organe permettant de penser la réalité telle qu’elle est, c’est-à-dire la réalité absolue. Tel est, soit dit en passant, le préjugé non pensé et non critiqué de certains matérialistes.
Dès lors que la cause est entendue, et qu’il s’avère à peu près assuré que l’homme ne peut saisir et comprendre la réalité telle qu’elle est et que celui-ci est irrémédiablement enfermé dans les limites et l’horizon de la finitude, il reste à savoir quel type de connaissances reste ouvert à l’humanité. Car l’homme n’est pas confiné dans l’ignorance absolue. Plusieurs éléments culturels permettent de plaider en ce sens. D’abord il est, comme nous l’avons déjà dit, conscient du monde et de lui-même, de la mort qui le guette un jour ou l’autre, de l’exigence de se poser la question du sens de son existence. Ensuite, sur un plan métaphysique, Descartes, par la médiation de son célèbre « Cogito », sur les détails desquels nous ne reviendrons pas dans l’immédiat, a pu mettre en évidence que le sujet fini et limité que nous sommes dispose d’au moins d’une connaissance certaine et absolue, à savoir la certitude que j’existe dès lors que je pense exister au moins comme pensée. Enfin, n’en déplaise à Nietzsche, qui nie toute idée de vérité, la science et la technique modernes et contemporaines témoignent qu’a minima, l’homme peut se représenter et comprendre de manière humaine ou analogique la réalité qu’il s’applique à étudier.
Bref, l’homme, comme le proclamait Platon, se situe entre l’ignorance et le savoir. Il doit certes être conscient que sa manière de saisir la réalité et donc la vérité est limitée, relative, proprement humaine ou anthropomorphique mais qu’elle n’est pas entièrement vaine. Sa démarche anthropomorphique, c’est-à-dire sa démarche consistant à penser le réel, ce qui n’est pas l’homme, sur le modèle de l’homme, est certes incontournable mais cette manière de saisir l’Être ne le condamne pas à rester enfermé dans le seul périmètre de l’humanité car sa manière de comprendre le réel, aussi éloignée soit telle du réel tel qu’il est, lui dit néanmoins quelque chose de ce réel. Il existe une filiation, même lointaine, entre sa manière de penser et le réel tel qu’il est.
Ces considérations balisent le terrain afin de mieux comprendre la prétention religieuse en général d’être un lien ou de pouvoir établir une relation avec des forces supérieures conçues comme l’absolu lui-même et nous éclaire sur les possibilités et les limites du langage qui traduit cette prétention à accéder au sens délivré par ces forces posées comme étant au fondement de la réalité elle-même. C’est sur la nature de cette connaissance propre aux religions et au langage permettant de transmettre cette connaissance qu’il nous faudra revenir.