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Rubrique "Libres commentaires liturgiques, Année III". Suite du billet N°3893.

Extrait de Commentaires philosophiques des textes de la liturgie catholique, Année III, A.Mendiri, Amazon, 08 €

Prochain billet demain lundi 06 décembre

Temps de l’Avent

TEXTES :

Livre du prophète Baruc(Ba 5, 1-9)

    Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Éternel.     Dieu va déployer ta splendeur partout sous le ciel, car Dieu, pour toujours, te donnera ces noms : « Paix-de-la-justice » et « Gloire-de-la-piété-envers-Dieu ».     Debout, Jérusalem ! Tiens-toi sur la hauteur, et regarde vers l’orient : vois tes enfants rassemblés du couchant au levant par la parole du Dieu Saint ; ils se réjouissent parce que Dieu se souvient.     Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal.     Car Dieu a décidé que les hautes montagnes et les collines éternelles seraient abaissées, et que les vallées seraient comblées : ainsi la terre sera aplanie, afin qu’Israël chemine en sécurité dans la gloire de Dieu.     Sur l’ordre de Dieu, les forêts et les arbres odoriférants donneront à Israël leur ombrage ;     car Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, avec sa miséricorde et sa justice.  

Lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens(Ph 1, 4-6.8-11)

Frères, à tout moment, chaque fois que je prie pour vous tous, c’est avec joie que je le fais, à cause de votre communion avec moi, dès le premier jour jusqu’à maintenant, pour l’annonce de l’Évangile.     J’en suis persuadé, celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus.     Dieu est témoin de ma vive affection pour vous tous dans la tendresse du Christ Jésus.     Et, dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance     pour discerner ce qui est important. Ainsi, serez-vous purs et irréprochables pour le jour du Christ, comblés du fruit de la justice qui s’obtient par Jésus Christ, pour la gloire et la louange de Dieu.

 Évangile selon saint Luc(Lc 3, 1-6)

L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode étant alors au pouvoir en Galilée, son frère Philippe dans le pays d’Iturée et de Traconitide, Lysanias en Abilène, les grands prêtres étant Hanne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie.     Il parcourut toute la région du Jourdain, en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre des oracles d’Isaïe, le prophète :Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.     Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu.

COMMENTAIRE :

  « Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère » (Baruc) ; « dans ma prière, je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la pleine connaissance et en toute clairvoyance   pour discerner ce qui est important » (St Paul) ; « tout être vivant verra le salut de Dieu. » (St Luc)

Pourquoi le prophète Baruc enjoint-il Jérusalem à « quitter sa robe de tristesse et de misère » ? Jérusalem renvoie ici au peuple juif, au peuple présenté dans la Bible comme étant le peuple « élu », c’est-à-dire celui qui a eu le privilège historique de se dévoiler la présence du « vrai Dieu », son dessein pour l’humanité et donc par ricochet le sens de l’histoire et qui porte en conséquence la responsabilité et la vocation de faire connaître au monde entier le contenu de cette « révélation ».

Or si ce prophète prononce une telle injonction, c’est parce qu’il lui semble constater un fléchissement voire un affaissement de la foi en ce message. Car la foi suppose non seulement que soit dévoilée au sein de chacun la présence de la transcendance, mais que le message qui en découle soit accueilli, qu’on lui accorde crédit et que notre comportement soit le l’écho fidèle de ce message. En effet, quel est ce message ? Selon les auteurs de la Bible, il s’agit de révéler que l’homme est une créature « à l’image de Dieu » et qu’en conséquence son destin, son horizon ne se limitent pas aux étroites frontières de la finitude mais qu’il est appelé à partager la plénitude divine et que pour ce faire, il est invité à faire « Alliance » avec Dieu, autrement dit à renoncer à l’idée que la finitude est hélas sa seule perspective, sa seule source d’espoir et se laisser habiter par cette espérance folle qu’un destin éternel lui est offert librement et gratuitement par son Dieu.

Car la foi en une telle espérance conduit à une forme de sérénité, de joie tranquille, de force intérieure à l’opposé de la « robe de tristesse et de misère » dont parle Baruc. La certitude que la mort et que toutes les formes de « Mal » auront le dernier mot sont évidemment source de tristesse et nous amène à souffrir moralement de cette grande « misère » de la condition humaine ainsi considérée.

Nous comprenons dès lors le sens de la prière de St Paul. Il s’agit ici d’une prière de demande certes, mais d’une prière qui n’a pas pour vocation, comme c’est le cas assez souvent de réclamer l’intervention de Dieu dans les affaires du monde et de l’homme afin de favoriser ses desseins, ses désirs, ses volontés mais au contraire de favoriser les desseins et les désirs de Dieu. Une telle prière, dans sa nature même est habitée par la présence divine et par l’éclairage que cette présence induit. Une telle prière ne sombre pas dans un appel à une Providence dévoyée de son objet. La présence éclairante de la transcendance en notre « Temple » intérieur ne viole pas la liberté de la création et des créatures, liberté sans laquelle la création ne serait plus un Etre distinct de son créateur, mais au contraire libère l’homme de la tyrannie des désirs et des passions exclusivement tournés vers les horizons offerts par la seule finitude. Cette prière permet « le discernement de ce qu’il y a d’important », à savoir la conviction que « toute créature verra le salut de Dieu » comme le proclament les Evangiles, si on entend par « salut » la possibilité ontologique d’échapper à toute forme de limite et de « Mal » en partageant la condition divine elle-même.

A.Mendiri