· 10 LA NOTION D'INSTINCT CHEZ L'HOMME . COURS.
· 9 LE STATUT DE LA CONSCIENCE SELON NIETZSCHE. COURS.
· 13 CROYANCES, RITES ET FÊTES DU JUDAÏSME
· NATURE HUMAINE ET CONDITION HUMAINE.
· 1 LES FONDEMENTS D'UNE DEMOCRATIE
· 10 LA FONCTION DU MYTHE
· 531 L'ART POUR L'ART OU ART ENGAGE?
· 5 LE BOUDDHISME: COMPARAISON AVEC L'HINDOUISME
· 12 MOÏSE, FONDATEUR DU JUDAÏSME
· 1 COURS DE PHILOSOPHIE: LA PHILOSOPHIE SPONTANEE.
· 289. INCONSCIENT PSYCHIQUE ET CONNAISSANCE DE SOI.
· 286. LES MANIFESTATIONS DE L'INCONSCIENT PSYCHIQUE.
· 411 LES SOURCES DE LA CONNAISSANCE HUMAINE.
· 2 COURS DE PHILOSOPHIE: LE ROLE DE LA RAISON.
· 8 LE STATUT DE LA CONSCIENCE SELON KANT ET PASCAL. COURS.
>> Toutes les rubriques <<
· 29 Cours: La nature de l'homme (15)
· 8 Les grandes religions (24)
· 36 Cours: L'Art. (14)
· 31Cours: L'inconscient. (6)
· 3 L'esprit démocratique (23)
· 2 Cours: Pourquoi la philosophie? (5)
· 7 Le phénomène religieux (16)
· 30 Cours: La morale. (11)
· 45 Extraits de textes philosophiques (15)
· 35 Cours: La politique. (22)
cadre center nature sur base monde place travail société histoire demain dieu demain
Statistiques
Date de création : 26.02.2011
Dernière mise à jour :
22.12.2025
5196 articles
Rubrique "Le progrès" (N°22). Suite du billet N°3539.
Extrait de Philosophie pour tous, Tome III, A.Mendiri, Amazon.
Prochain billet demain mardi 08 décembre.
Lors du précédent billet, nous avions rappelé les très grandes lignes des conceptions de Marx quant au devenir des sociétés humaines. Ce qui est intéressant dans celles-ci, c’est qu’elles proclament et théorisent l’idée de progrès, c’est-à-dire l’idée de changements répondant aux aspirations profondes de l’humanité, mais sur des bases matérialistes. Jusque-là, pour l’essentiel, cette idée de progrès était plutôt l’apanage de courants de pensée religieux comme la pensée juive et chrétienne ou émanait de philosophies rationalistes comme celle de Hegel, même si des penseurs du XVIII° siècle, à l’image de Diderot le mécréant, étaient convaincus que les progrès de la connaissance permettraient un progrès moral de l’humanité et la libèreraient de toutes les superstitions, souvent assimilées à tort à des convictions religieuses.
Mais cette idée de progrès restait finalement assez vague, relevait de l’acte de foi alors que la pensée de Marx propose une théorie très structurée, susceptible de mettre en évidence les sources, le devenir, les nécessités, les conditions de ce progrès, à telle enseigne que Marx n’hésitait pas à prétendre que ses analyses n’étaient pas d’ordre philosophique, de l’ordre de la conviction, mais relevaient de la science et du savoir.
Curieusement, cette science ou prétendue telle, décrivait un processus historique qui certes étudiait des « faits » et donc qui relevait du jugement de fait mais qui en même temps assignait à celui-ci une valeur, un intérêt humain, un sens en un mot, puisqu’il annonçait une libération totale de l’humanité par rapport aux contraintes naturelles ou sociales. Jugement de fait et jugement de valeur se trouvaient donc concomitants au sein de ce système. De plus, il semblait dominé par le même paradigme, le même modèle que la pensée juive, en annonçant un avenir radieux au même titre que la pensée religieuse judéo-chrétienne annonçait « pour la fin des temps », à l’issue d’un « Jugement dernier », une nouvelle condition de l’homme partageant la condition divine elle-même pour ceux acceptant le projet ou l’Alliance avec Dieu.
Cet avenir « radieux » était cependant un horizon difficilement pensable et non dépourvu de contradictions. En effet, l’idée même de « société d’abondance », de société où les produits sont distribués en fonction des seuls besoins et non plus en fonction d’un travail accompli suppose donc que l’on soit parvenu à un stade où non seulement les techniques peuvent se substituer quasi totalement à l’activité humaine (sous forme de robots par exemple) mais que cette production réponde à tous les besoins humains envisageables.
Or la notion de besoin mérite que l’on s’y attarde quelque peu. Existe-t-il des besoins strictement naturels au-delà des quels les autres besoins pourraient être qualifiés d’artificiels ? En somme doit-on renouer avec une pensée inspirée par Rousseau (XVIII° siècle) selon laquelle la civilisation, lorsqu’elle est mal conçue, lorsqu’elle ne respecte plus l’ordre naturel, pervertit l’homme en multipliant artificiellement ses besoins ? Cette conviction de Rousseau ne peut être partagée par Marx. Celui-ci a un sens profond du caractère historique de nos besoins, ces besoins étant eux-mêmes suscités par la structure économique de la société, par sa base matérielle de production, bref par ce qu’il appelle « l’infrastructure ».
Soit. Mais alors on voit mal comment à un moment donné de l’histoire, un appareil de production pourrait ne plus engendrer de besoins nouveaux excepté si on postule que les progrès techniques de production atteignent un plafond indépassable. Cette dernière hypothèse n’est fondée sur rien de plausible. Les progrès techniques, eux-mêmes induits indirectement par les progrès du savoir ne sauraient se voir fixer un horizon indépassable. Tout horizon renvoie en effet à cette ligne imaginaire qui recule au fur et à mesure que l’on avance.
Or si tel est le cas, les nouveaux besoins seront sans doute toujours, dans un premier temps, satisfaits que pour une minorité de la population, laissant le temps, c’est-à-dire les progrès de la production, faire son œuvre, ouvrant ces nouvelles perspectives à l’ensemble ou quasiment de la société. Dès lors, la disparition du travail contraint afin de parvenir à de tels résultats restera un mirage ou une impossibilité.
Quoi qu’il en soit, cette utopie marxiste garde sa part de mystère. Comment un penseur aussi pénétré que lui du caractère historique des besoins humains a pu ainsi fixer une ligne d’horizon où l’histoire semble s’arrêter ? Ou plus précisément où la préhistoire de l’humanité, celle asservie aux besoins s’achève afin de laisser place à la véritable histoire humaine, dégagée de la gangue de l’animalité initiale, et qui peut se consacrer à l’esprit, la créativité, libérée de toute contrainte naturelle ou sociale ? Doit-on considérer que seuls les besoins dits vitaux sont concernés par de telles analyses ? Mais si c’est le cas, alors les sociétés riches d’aujourd’hui sont déjà parvenues à ce stade. Or, peut-on réduire les besoins humains légitimes aux seuls besoins vitaux ? N’est-ce pas la vocation de l’homme de dépasser ces besoins vitaux, de s’arracher à son animalité, de fonder un monde sans rapport avec la simple nature ?
Comme on le voit, cette utopie, comme toute utopie, est condamnée à ne jamais être réalisée. Ni aujourd’hui ni demain car demain n’est pas écrit, demeure un inconnu impensable, et sans doute un inconnu bien plus extraordinaire que nos imaginations aussi riches soient-elles ne sauraient concevoir car toute utopie décrit un idéal du temps présent. L’avenir est une page blanche. Mais l’idée d’un progrès continu reste un acte de foi, dont on ne connaît pas les formes mais que l’on peut attendre grâce à la vertu d’espérance, cette confiance en un avenir indéterminé qui, forcément, dévoilera des mondes nouveaux et imprévisibles.
Lors d’un prochain billet, nous ferons le point sur cette notion de progrès.
A.Mendiri