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14.09.2025
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Rubrique "Cours: la liberté du sujet". Suite du billet N°1187.
Extrait de "Cours de philosophie"A. Mendiri , Scripta.
Prochain billet demain 21 janvier ( La question des valeurs)
L’activité scientifique ne propose donc pas, par elle-même, de réponse assurée au problème de la liberté. Tournons-nous en conséquence vers les analyses proprement philosophiques en la matière. Kant est certainement le penseur qui a réfléchi de la manière la plus approfondie sur cette question des rapports entre le principe du déterminisme et la liberté humaine. Avant de rappeler les grandes lignes de sa conception, prenons connaissance de ce qu’il écrit dans « La Critique de la raison pratique » à ce sujet :
« Supposons que quelqu’un prétende ne pouvoir résister à son penchant au plaisir, lorsque l’objet aimé et l’occasion se présentent ; est-ce que, si l’on avait dressé un gibet devant la maison où il trouve cette occasion, pour l’y attacher immédiatement après qu’il aurait satisfait son désir, il lui serait encore impossible d’y résister ? Il n’est pas difficile de deviner ce qu’il répondrait. Mais si son prince lui ordonnait, sous peine de mort, de porter un faux témoignage contre un honnête homme qu’il voudrait perdre au moyen d’un prétexte plausible, il tiendrait comme possible de vaincre en pareil cas son amour de la vie, si grand qu’il puisse être. S’il le ferait ou non, c’est ce qu’il n’osera peut-être pas décider, mais que cela lui soit possible, c’est ce dont il conviendra sans hésiter. Il juge donc qu’il peut faire quelque chose, parce qu’il a conscience qu’il doit le faire, et il reconnaît ainsi en lui-même la liberté qui, sans la loi morale, lui serait demeurée inconnue ».
Ce texte contient deux affirmations essentielles : le sentiment que nous avons parfois de ne pouvoir résister à satisfaire un plaisir ne semble pas fondé puisque l’attachement à la vie nous amènerait sans hésitation à y renoncer, si nous devions payer de notre vie cette satisfaction. Mais cet argument ne fait à vrai dire que reprendre les analyses de Spinoza sur les rapports de force entre les désirs et à cet égard il va de soi que le désir de vivre est incontestablement le désir le plus fort de tous.
Seulement, Kant ajoute une idée nouvelle : ce désir de vie, le plus puissant de tous, pourrait lui-même se voir surmonté afin d’honorer des valeurs morales auxquelles nous sommes fortement attachés. Spontanément, la possibilité de sacrifier notre vie afin de s’y conformer nous vient à l’esprit. Est-ce une pure illusion ? Empiriquement, les témoignages validant cette possibilité ne manquent pas. Le résistant qui, disposant de toutes ses ressources mentales mais ayant peur de trahir les siens sous la torture, se donne délibérément la mort au service d’une cause qu’il considère comme supérieure à sa vie individuelle, en est un exemple éloquent. Supposons, pour faire bonne mesure, que ce résistant soit athée et donc qu’il n’attende rien d’un éventuel au-delà et on comprendra encore mieux l’étendue et la valeur de son sacrifice.
Mais là encore, l’exemple et donc les faits n’ont rien de décisifs en matière de preuve. Les faits ne sont jamais des preuves et tout dépend de l’interprétation qu’on leur donne. Après tout, ce qui est possible pour tel ou tel résistant ne l’est pas forcément pour moi. L’ensemble des causes qui a joué sur lui, notamment son histoire, sa mémoire, la profondeur de ses convictions, la nature de ses émotions etc. est de nature différente de l’ensemble des causes qui aurait joué sur ma personne. Bref, cet exemple n’est toujours pas un argument décisif et généralisable en faveur de la liberté humaine mais tout au contraire peut permettre d’illustrer l’influence décisive des déterminismes.
Quels sont alors les arguments de Kant autorisant précisément une telle généralisation de la liberté humaine en dépit des déterminismes qui nous affectent ? Pour notre part, nous mettrons en lumière deux idées clefs. En premier lieu, Kant considère à sa manière que le principe du déterminisme est purement une exigence méthodologique qui ne nous donne aucune indication à propos de la nature intime du réel. Plus précisément, cette exigence méthodologique découle de la nature de notre pensée. Les caractéristiques de la pensée humaine s’avèrent telles que je ne puis étudier et comprendre le réel qui s’offre à mon investigation qu’en utilisant, notamment, ce principe.
En second lieu, nous constatons que l’homme est sans doute le seul être connu qui a le sens du devoir moral. Une voix intérieure lui commande -ou lui interdit- d’accomplir telle ou telle action. Cette voix intérieure est celle de cette faculté commune à tous les hommes, à savoir la raison et en l’occurrence la raison « pratique » puisque c’est l’aspect de la raison qui éclaire notre action.
Cette raison pratique nous donne un ordre. Elle nous dit « Tu dois » faire ceci. Rappelons qu’il s’agit d’un ordre car elle s’adresse à notre sensibilité, à notre être de chair et de sang, qui résiste à cette injonction contraire à nos intérêts immédiats et égoïstes. Or, remarque Kant, il serait absurde que le sujet ne puisse obéir ou désobéir à cet ordre issu de sa raison naturelle. « Tu dois donc tu peux ». La conscience du devoir moral nous conduit à postuler, c’est-à-dire à poser comme vrai sans pouvoir le démontrer, la liberté intérieure du sujet. Le sens du devoir exige, d’un point de vue rationnel, que le sujet soit libre.
Comment cela est-il possible alors que je ne puis comprendre l’action humaine d’un point de vue scientifique qu’en prenant en considération les déterminismes qui m’affectent ? A vrai dire la science, dans son investigation de l’homme, doit le considérer comme un être naturel quelconque. Mais précisément, le sens du devoir moral me révèle que l’homme n’est pas seulement cela. La conscience du devoir moral arrache l’homme à la simple sphère de la nature et lui révèle un aspect de sa nature intime au-delà des apparences. Contrairement à ce que prétendait Spinoza, l’homme est une exception dans la nature. La liberté intérieure ne fait plus question. C’est une exigence incontournable de la raison pratique ou de la raison morale.
A. Mendiri